Troublant Marcello Mio

En lice lors du 77e Festival de Cannes, Marcello Mio sonne comme une ode au 7e art à travers un hommage intimiste à Marcello Mastroianni. Au-delà, il interroge subtilement les questions de deuil, d’héritage et d’identité.

Claire Brugier

Le7.info

Marcello Mio, le dernier long-métrage de Christophe Honoré, n’est pas un biopic sur Mastroianni. Pourtant il ne parle que de lui, à travers sa fille Chiara, dans les dialogues, dans les liens que chacun a entretenus ou aurait aimé entretenir avec l’acteur italien, derrière les innombrables clins d’œil à sa filmographie. L’histoire s’ouvre sur le tournage d’un mauvais remake de La Dolce Vita : une réalisatrice sans talent vocifère sur une Chiara grimée en Anita Ekberg, chevelure blond platine et robe fourreau noire, invitée à s’immerger dans une pâle copie de la fontaine de Trevi. Pathétique. Où qu’elle aille, de tournages en auditions et jusque dans ses rêves, la fille de Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve est confrontée à son héritage. Au point qu’un beau jour elle décide d’entrer dans la peau de son père et de se faire appeler Marcello. Autour d’elle, les réactions sont diverses. Chacun des acteurs joue son propre rôle, de mère pour Catherine Deneuve, de compagnon musicien pour Benjamin Biolay, d’ami de longue date pour Melvil Poupaud, plus récent pour Fabrice Luchini, et le spectateur se régale de cette illusion. Il a la sensation rare d’entrer dans le quotidien des artistes, dans ce qui pourrait être leur « vraie » vie. Une vie où Catherine lirait Voici en discutant avec un Melvil en pleine séance de tai-chi dans les jardins du Luxembourg. Une vie où, costume deux pièces et borsalino sur le haut du crâne, Chiara se fondrait dans Marcello et convoquerait « la polpetta » qu’elle était enfant…
Entre deuil et quête d’identité, l’exercice est vertigineux et, de Paris à Rome, l’actrice – à la ville et au cinéma- le pousse à l’extrême tandis qu’autour d’elle le réalisateur brouille les frontières entre passé et présent, cinéma et réalité, gravité et légèreté. On perd pied doucement à suivre sa caméra indiscrète mais jamais voyeuriste qui, grâce aux images de Rémy Chevrin, joue des transparences et des reflets comme pour mieux interroger ce qu’il y a au-delà du miroir. On nage en plein rêve de cinéma, jusqu’à la fin.

Comédie, de Christophe Honoré, avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini (2h01).

 

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