Meurtri par les abus sexuels au sein de l’Eglise, l’archevêque du diocèse de Poitiers a publié ce mois-ci ses réflexions pour réformer l’institution. Mgr Wintzer sait que ses collègues et lui, réunis cette semaine en assemblée plénière, sont attendus.
Mgr Wintzer, qu’est-ce qui vous a poussé
à écrire ce livre ?
« Mon éditeur me l’a demandé (Alban Cerisier, directeur de la collection Tracts chez Gallimard). La question des abus sexuels dans l’Eglise est une réalité présente depuis une dizaine d’années dans notre pays. La publication du rapport de la Ciase(*), en fin d’année 2021, nous a rappelé à quel point ce problème est massif. »
Vous y appelez à des réformes dans l’Eglise. Qu’entendez-vous par là ?
« Nous sommes des citoyens français comme les autres, issus d’un pays démocratique. Il faut d’abord nous tourner vers la justice quand nous nous retrouvons face à des délits ou des crimes. L’erreur, parfois la faute, c’est l’entre-soi. Les évêques ne doivent pas régler ces affaires seuls, ils doivent demander conseil à d’autres, des magistrats, des psychologues… A toute personne susceptible d’avoir une expertise sur ces questions. »
Comment briser ce réflexe de l’entre-soi ?
« Le protocole de transmission des signalements d’infractions sexuelles signé par tous les diocèses est une première étape (depuis le 13 mai 2022 pour le diocèse de Poitiers, ndlr). Pourquoi ne pas associer aussi des laïcs aux travaux de la Conférence des évêques ? Ce sujet concerne l’ensemble des catholiques. On peut également imaginer qu’un évêque puisse rendre compte d’un diocèse, comme peut le faire un élu. Un peu plus de démocratie dans l’Eglise ?
En quelque sorte. Il reste à trouver des formes de procédure, cela reste compliqué. La structure de l’Eglise ne va pas changer. »
Cette semaine, les évêques de France vont étudier les propositions des groupes de travail mis en place par l’épiscopat. Vous sentez-vous attendus ?
« Il y a une conscience partagée d’un besoin d’ajustements. Ce qui doit être combattu, c’est le silence, ce souci de tout faire pour protéger l’institution. C’est un moment assez radical car on attend de nous de mettre en pratique la lutte contre la pédocriminalité. Il a malheureusement fallu toute cette souffrance pour que l’on mesure la nécessité d’agir. Je n’imagine pas le statu quo à l’issue des votes de jeudi. Les faits ont jeté une forme de discrédit sur notre parole, alors nous devons être à la hauteur. »
La parole s’est-elle libérée dans le diocèse ?
« Une quinzaine de victimes se sont manifestées. Elles n’ont pas de colère, mais gardent une grande douleur de ne pas avoir été protégées. Ce sont des victimes de faits anciens dont les auteurs sont tous morts. J’ai écrit à ces personnes pour leur donner les adresses et procédures afin de demander réparation, si elles le souhaitent. Un fonds d’indemnisation (20M€) continue d’être alimenté par les diocèses et les évêques. En outre, le bénéfice des ventes de mon livre sera reversé à ce fonds. C’est le moins que je puisse faire. »
(*) Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, dite Commission Sauvé.
Abus sexuels dans l’Eglise catholique - Des scandales aux réformes de Pascal Wintzer, collection Tracts chez Gallimard (60 pages).
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