Les premières graines d’Emmaüs Maisoncelle

A la fois chantier d’insertion et tremplin pour détenus en fin de peine, la ferme Emmaüs Maisoncelle démarre ses activités de maraîchage cette semaine, dans la campagne mélusine. La rédaction consacre une série à cette initiative exceptionnelle, la cinquième du genre en France.

Arnault Varanne

Le7.info

Fin août, c’était encore le calme avant la tempête. Début octobre, le site de Maisoncelle (re)vit. Des ouvriers s’affairent, qui à rénover l’un des hébergements, qui à dégonder les portes d’un autre... Les bruits de disqueuse perturbent à peine la quiétude de la campagne mélusine. Car un autre chantier a débuté à la rentrée, sur la parcelle de 2ha dévolue au maraîchage. Sous la direction d’Antoine Leblanc, encadrant maraîcher, 29 ans depuis quelques jours, Sandy, la vingtaine, Flora, la trentaine, et Michel, la soixantaine, sont à la tâche. Ce jour-là, il fait beau et flotte dans l’air comme un parfum d’été indien et de nouveau départ pour eux. Premier chantier : ériger les trois serres d’une surface de presque 2 000m2.

Elle n’a jamais 
conduit un tracteur

« Au départ, il a fallu remplir de béton 180 trous, les mettre de niveau et d’aplomb pour que les arceaux puissent ensuite tenir ! », avance l’encadrant. Il aimerait « terminer une serre fin décembre pour lancer les premières cultures ». Cela suppose que les bâches, la motorisation et le système d’irrigation soient opérationnels d’ici là. Salariés en insertion, Sandy, Flora et Michel auront bientôt un ou une quatrième collègue, qui ne sera pas de trop vu l’ampleur du chantier. L’émergence de l’activité de maraîchage est à ce prix, même si les cultures d’automne ne nécessitent pas de protection particulière. Sandy, qui « n’avait jamais conduit un tracteur de sa vie » laboure d’ailleurs une parcelle sur laquelle ails, oignons, fèves et pois seront bientôt plantés. 
« Ils prennent racine avant le gel, ne poussent presque plus pendant l’hiver et redémarrent au printemps », précise le maraîcher, lui aussi embarqué dans une aventure inédite depuis mai.

« Un service 
aux habitants »

Avant de rejoindre la Vienne, le Parisien a suivi une trajectoire professionnelle sinueuse. Après un master en... droit des affaires, il s’est essayé à la charpente -« ça ne m’a pas plu »-, 
a lui-même été salarié d’une entreprise en insertion avant de valider ses compétences par un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole spécialité maraîchage et agriculture bio. « On pense l’exploitation d’abord comme un service aux habitants », développe le triathlète amateur. Contrairement à son précédent poste aux Jardins de la voie romaine, à Pithiviers, il y a ici « tout à construire. Et le fait de travailler avec des détenus qui vivent sur place m’a intéressé ». 
Il le sait, ce ne sera « pas facile tous les jours ». Mais c’est 
« génial de transmettre ses compétences ». Pour l’aider dans la planification et la commercialisation, Antoine Leblanc peut compter sur Vienne agrobio et l’association L’Eveil, une structure du domaine de Malaguet, à Migné-Auxances. La première année, il table sur une vingtaine de variétés de légumes. Petit à petit...

 

Mélanie Forestier en trait d’union
Mélanie Forestier a pris ses fonctions d’accompagnatrice sociale et professionnelle de la Ferme Emmaüs Maisoncelle le 2 mai 2022, le même jour qu’Antoine Leblanc. Elle a travaillé sept ans au Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) en qualité de coordinatrice socioculturelle, « un super poste dans un service bienveillant. Travailler avec des détenus, monter des projets, cela a été une riche expérience ». La jeune femme de 35 ans voit sa nouvelle mission comme « une suite logique. La sortie de détention est loin d’être simple dans le monde tel qu’il est. Le choc est violent, notamment sur le plan cognitif ». D’où l’émergence de cette « structure passerelle », capable de se « réadaptater » à la liberté. « Les personnes accueillies pourront reprendre confiance, gagner en autonomie, se poser, respirer. On va s’efforcer de redonner du sens », abonde la travailleuse sociale. Les premiers détenus devraient arriver en janvier. La Ferme Emmaüs Maisoncelle a déjà reçu vingt-trois candidatures, de Vivonne mais pas que. Des immersions d’une journée ont lieu depuis la mi-octobre. Au final, c’est le juge d’application des peines qui valide le placement des détenus dans la ferme. Avec un objectif commun : qu’ils « retrouvent une place dans la société ». En attendant leur arrivée, Mélanie Forestier gère aussi l’accompagnement professionnel des salariés du chantier d’insertion.

À lire aussi ...