Aujourd'hui
59% des Français se disent favorables à la réouverture des maisons closes. A Poitiers, la “prostitution feutrée” a connu son âge d’or sous l’Occupation.
“La prostitution close, réglementée et sanitairement sûre, représente une formule idéale, encouragée tant par le gouvernement de Vichy que par les autorités occupantes.” Cette assertion, extraite de la thèse soutenue il y a huit ans par Cyril Olivier, doctorant en histoire moderne à l’université de Poitiers, va plus que jamais dans le sens de l’Histoire.
Sans doute est-ce justement parce qu’elle apparaît “réglementée et sanitairement sûre” que la prostitution close fait depuis des années l’objet d’un vrai débat d’opinion. Et que l’idée, ressortie des cartons il y a quelques jours par la députée UMP de Seine-et-Marne Chantale Brunel, de “réfléchir à la création d’endroits où l’achat de services sexuels soit possible”, agite de nouveau le landerneau politique.
A Poitiers comme ailleurs, la prostitution close a vécu, dans les turbulences de la Seconde Guerre mondiale, des heures de grande frénésie. Dans sa thèse intitulée “Les Femmes de mauvaises vies”, Cyril Olivier, aujourd’hui archiviste au Conseil général de Gironde, rappelle ainsi que le plus vieux métier du monde s’exerçait dans des quartiers proches des centres militaires et religieux. “On distinguait alors, expliquet-il, les maisons de tolérance, avec leurs prostituées attitrées, et les maisons de rendez-vous, lieux de rassemblement de prostituées occasionnelles et de femmes mariées qui souhaitaient donner du piment à leur quotidien.”
Au rendez-vous des arènes
Haut-lieu de la prostitution depuis l’Antiquité, le quartier des Arènes, autour des rues Bourcani, Magenta et Rabelais, concentrait, sous l’Occupation, “l’élite des femmes de petite vertu.” “Impasse du Petit Bonneveau, chez Lucette, établissement créé dès 1919, on recensait alors de 7 à 9 prostituées régulières, éclaire Cyril Olivier. A côté, au 28, rue Rabelais, elles étaient entre 2 et 5. Une maison de rendez-vous très réputée était également installée rue Bourcani.”
Un peu plus loin, à proximité de l’actuel quartier Rivaud, au Gaz, 9, rue du même nom, les belles proposaient leurs charmes aux militaires et ouvriers des alentours. “Mes enquêtes, poursuit M. Olivier, m’ont également mené vers deux autres coeurs d’activité : le quartier Montierneuf, repaire des avorteuses, où sévissaient des indépendantes, et celui de la Cathédrale, dans les rues Sainte-Croix, du Jardinet et Saint-Simplicien, où les nazis avaient leurs habitudes.”
Ici et là, à la périphérie, comme au Pavillon Rouge sur les bords du Clain, les passes fleuraient bon l’insouciance d’une époque débridée et libertine. “Ces flonflons de la fête dans une France en guerre ont fini par susciter l’émoi, conclut Cyril Olivier. A Poitiers, les actes de collaboration ont certes été réprimés. Mais même après la fermeture des maisons closes, en 1946, certaines pratiques ont été maintenues. Longtemps, ainsi, l’établissement de la rue Rabelais a vécu sous la forme d’un bar. Personne n’était toutefois dupe sur ce qui se passait en coulisses.” Ici comme en de nombreux endroits de “Poitiers-la-close”.
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