Les circuits courts à la croisée des chemins

Plusieurs plateformes dédiées aux produits locaux alimentaires sont apparues pendant la crise. Elles ne sont que la vitrine d’un secteur qui doit s’organiser pour pérenniser des habitudes de consommation nées du confinement.

En bouleversant les habitudes de consommation, alimentaires notamment, la crise sanitaire a mis en lumière les circuits courts, soudain privilégiés par davantage de consommateurs. Plusieurs plateformes, créées pendant le confinement, ont initié une cartographie des producteurs locaux à l’échelle régionale, voire plus locale. L’Agence de l’alimentation Nouvelle-Aquitaine (Aana) a lancé sa plateforme solidaire, l’Association de formation et d’information des paysans et ruraux (Afipar), Grand Poitiers (jeparticipe-grandpoitiers.fr) et Grand Châtellerault ont fait de même.
Que vont devenir ces outils ? « En concevant la plateforme, nous avions envie d’y donner suite. Reste à définir comment », confie Laurence Rouher, chargée de projet à l’Afipar. En attendant, ces sites ont mis en évi- dence la variété des modes de distribution en circuits courts : marchés, vente à la ferme, ma- gasins de producteurs, livraison de paniers ou encore Amap, avec une prégnance des deux premiers. Sur les 113 « en-
trées » recensées dans la Vienne par l’Afipar, 54 concernent des marchés, 38 la vente à la ferme. Toutefois, la fermeture tempo- raire desdits marchés a incité les producteurs à modifier ou diversifier leurs canaux habi- tuels de distribution, afin de limiter les pertes sur leur chiffre d’affaires. La distanciation sociale a achevé de promouvoir le système des commandes. Via Internet notamment. Cagette.net en est une illustration. Le site, qui regroupe 3 000 producteurs, a enregistré en avril pas moins de 100 000 commandes.

Internet, le lien direct

« C’est sans doute un peu tôt pour le dire mais nous avons la sensation que les personnes ont changé de mode de fonctionnement alimentaire, constate Hélène Cornuau, de la Ferme des Herbes folles à Thuré (pain, viande porcine et charcuterie). De toute évidence, de nouveaux consommateurs ont emprunté les circuits courts. Après, est-ce que cela se maintiendra dans le temps ? »
Le succès du drive fermier mis en place par la Ville de Châtellerault pendant la période de confinement illustre aussi cet élan. Plus de quinze producteurs du Châtelleraudais et plus de 2 100 clients (en dix drives) ont tenté l’expérience. « Pour nous, le drive le mercredi, c’était bien pour écouler notre production de pain du mardi, confie Hélène Cornuau. Et cela a donné plus de visibilité à notre activité porcine. »
La Ferme des Herbes folles a également profité de l’hospitalité de la Ferme Dana, à Senillé-Saint-Sauveur (viande bovine et huiles), pour multiplier ponctuellement ses points de retrait. Beaucoup de producteurs, habitués des marchés, ont ainsi diversifié leur distribution, grâce à un réseau informel d’où chacun est ressorti gagnant. « Au début du confinement, leur chiffre d’affaires sur deux heures était de 2 500€, à la fin il étaitde 5 500€, note Béatrice Martin, de la Ferme Dana. En ce qui nous concerne, le principe des commandes sur Internet me permet de mieux organiser ma découpe, d’anticiper, et le fait de proposer d’autres produits, en dehors de la viande bovine, incite plus facilement les consommateurs à venir à la ferme. »
Producteur, consommateur, chacun a changé ses habitudes pour faire coïncider au mieux offre et demande, en s’appuyant sur Internet, peu encore sur les réseaux sociaux. « J’aimerais y être plus présente, souligne Hé- lène Cornuau, mais je n’ai pas trop le temps. »