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Les avocats entre pertes et profits
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : mardi 25 février 2020Vivement opposés au projet de réforme des retraites, les avocats mènent depuis plusieurs semaines une grève totale des audiences à Poitiers. Quitte à mettre des cabinets dans une situation délicate. Mais la profession entend garder le cap.
La scène a marqué les esprits et pour un certain temps. Le 6 février dernier, peu avant 14h, des agents de sécurité du palais de justice de Poitiers ont, pendant un quart d'heure, retenu plusieurs avocats aux grilles du bâtiment. « Un scandale », « on ne peut pas tomber plus bas », pestent encore plusieurs d’entre eux. « Ma cliente était à l’intérieur, et ne savait pas si elle allait pouvoir être accompagnée par son conseil à son procès, raconte Me Quentin Reclou, avocat pénaliste. C’est une atteinte très grave au droit à la justice. »
Dans un contexte de grève totale des audiences, engagée depuis plusieurs semaines contre le projet de réforme des retraites, l’incident a été vécu comme une provocation. Le bâtonnier, Me Emmanuel Breillat, se dit encore très remonté. « J’ai écrit aux chefs de cour et je n’ai toujours pas de réponse à ce jour. Cela a été très mal vécu par mes confrères, on en gardera une grande amertume. »
La tension est quelque peu retombée, depuis. Mais toute la profession reste vent debout contre le projet de réforme, qui prévoit notamment le doublement des cotisations et une baisse de la retraite minimale. En atteste le « SOS » placardé sur les portes d’entrée de la maison des avocats. « Cette réforme bouleverse l’économie des cabinets, elle va avoir un impact sur les plus jeunes et les confrères les plus précaires. Certains cabinets aux revenus modiques ne pourront pas y faire face, assure déjà le bâtonnier, craignant à terme un maillage insuffisant. Sans parler de la question d’indépendance, fondamentale à la profession d’avocat, qui est ici remise en cause. »
Des cabinets en sursis
Depuis le début de la grève, ce sont plus de 300 procès correctionnalisés qui ont été renvoyés à Poitiers, pour plusieurs mois. « J’en ai renvoyé une cinquantaine, jusqu’à février 2021 », témoigne Me François Gaborit, associé au cabinet DGT. La situation n’est pas sans conséquence sur l’activité des cabinets en contentieux, qu’elle que soit leur taille. « Janvier a été un mois blanc. Le renvoi des audiences ne me permet pas de facturer ni de bénéficier de l’aide judiciaire. Je m’inquiète aujourd’hui pour la pérennité de mon cabinet », confie Me Quentin Reclou, jeune avocat à son compte. « Les cabinets plus structurés ont, eux, plus de charges, ajoute Me Breillat. Nous avons trois avocats collaborateurs et deux assistantes, soit cinq salaires à assurer tous les mois. »
Certains avocats envisageraient même de mettre la clé sous la porte. Pourtant, la plupart souhaitent rester mobilisés aussi longtemps que possible. « Fermer dans l’année ou deux ans après le passage de la réforme, cela ne change rien. Autant maintenir le mouvement », lâche Me Reclou. S’il se félicite de la « solidarité » apparue à travers la grève, Me François Gaborit rappelle, lui, que le mouvement « a surtout une incidence pour nos clients ». Mais tous en conviennent, cette grève sans précédent « laissera des traces ».
Lundi devait être décidée la prolongation du mouvement, laquelle ne faisait guère de doutes. « Tant que nous n’aurons pas de garanties sur le retrait de ce projet, la grève durera, souligne le bâtonnier. Mais peut-être sous une autre forme. » La semaine dernière, quelques barreaux de France ont mis fin au mouvement ou en ont adouci les modalités.
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