Fatals Picards : « On doit tout au public »

Nés sur scène, les Fatals Picards grandissent depuis presque vingt ans au contact du public. Les quatre joyeux drilles à l’humour décalé se produiront samedi au Confort Moderne, à Poitiers. Entretien avec le guitariste Laurent Honel.

Claire Brugier

Le7.info

Comment définiriez-vous en quelques mots votre 9e album, Espèces menacées, sorti en avril ?

« Il est fidèle à l’esprit des Fatals, avec des sujets de société traités en chansons, avec humour et énergie. On y parle des interdits alimentaires, des suprémacistes blancs, du temps qui passe dans le couple, des agriculteurs... »

Une chanson doit-elle forcément être engagée ?

« Plus ou moins. « Angela » par exemple est une histoire d’amour. Pour écrire, on se sert souvent de l’actualité à travers la presse, les bouquins, documentaires... C’est un grand brainstorming permanent. On ne fait pas comme certains artistes qui chantent en se regardant tourner le nombril. L’humour suppose une connivence avec le public, à travers des sujets qui résonnent en lui. Je pense que la chanson doit avoir une fonction populaire. Dès l’écriture, on se demande si la chanson peut fonctionner sur scène. »

La scène tient une large place dans votre carrière... 

« En vingt ans, on a fait plus de 1 500 concerts. On s’est construit sur scène. Le groupe a gagné doucement mais sûrement en notoriété, ce qui fait que j’ai toujours l’impression d’avancer. »

Dans Espèces menacées, on sent comme la nostalgie d’une époque plus insouciante... 

« On commence à avoir plus de passé derrière nous que de présent devant. Il y a une profondeur qui se détache du temps qui passe, une lucidité. Ce n’est pas de la nostalgie, juste le fait de vieillir. J’ai 47 ans, j’ai grandi avec Droit de réponse, Apostrophe, les Monty Python... Et un niveau d’impertinence qui correspondait avec l’audimat. A cette époque on pensait que les esprits allaient s’aiguiser, en fait pas du tout. Les hommes sont des machines à inventer des problèmes pour trouver des solutions. En même temps, c’est grâce à ça que l’on fait des chansons (sourire). Une chose est sûre, on ne se censure pas et on ne veut pas blesser les gens gratuitement. D’ailleurs on n’a jamais rien écrit sur des gens que l’on n’aime pas. On a du respect pour Johnny et Lavilliers ; on n’irait pas écrire sur Zemmour ou Le Pen. »

Le groupe revendique depuis ses débuts l’héritage de Renaud. Que vous inspirent les nouvelles générations ? 

« Sans Renaud, les Fatals Picards n’existeraient pas. Il a ouvert la voie en traitant des sujets de société avec humour et décalage, en s’autorisant des licences avec la langue française. J’ai connu mes premiers émois musicaux avec l’album de son concert à l’Olympia en 82. Aujourd’hui, j’aime beaucoup Blanche Gardin, elle a un côté desprogien. Dans le cinéma, il y a des films comme Le Grand Bain ou Le Sens de la fête. Côté chansons, c’est vrai qu’il y en a moins... J’écoute Gaël Faye, les Cowboys fringants, mais ce n’est déjà plus la nouvelle génération. »

Avez-vous une chanson « préférée » dans votre répertoire ?

« Dans Espèces menacées, peut-être « Morflé ». Je l’ai écrite pour Paul (ndlr, le chanteur du groupe) et sa femme. Quand il l’a écouté pour la première fois, il a pleuré. Mais il y a aussi « Mon père était tellement de gauche », qui résonne toujours pendant les concerts, « Combat ordinaire »... Plus globalement, je suis fier de ce que l’on a fait en vingt ans, fier que l’on ait été capable d’imposer notre univers contre vents et marées, loin des gros médias, et de défendre notre originalité auprès du public. Contrairement à beaucoup d’artistes qui préfèrent rester dans leurs loges avant ou après un concert, on aime rencontrer les gens. On a commencé devant cinq personnes dans un bar à Bastille, on doit tout au public. 

Concert des Fatals Picards, ce samedi à 20h, au Confort Moderne, à Poitiers. 

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