LGV Tours-Bordeaux : l’heure des comptes

Huit ans après sa mise en service, la ligne à grande vitesse Sud-Europe Atlantique est un succès incontestable, dont les retombées ne profitent cependant pas à toutes les villes de la même manière, notamment dans la Vienne.

Arnault Varanne

Le7.info

La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet qui arrive en gare de Châtellerault à 9h06, vendredi 28 mars... L’occasion était trop belle pour les élus de la ville. « Nous lui avons rappelé que nous avions besoin de garder nos dessertes », souligne Michel Droin, vice-président de la communauté d’agglomération en charge de l’Economie et des Aides aux entreprises. Le message sera peut-être entendu par SNCF voyageurs, qui veut officiellement « expérimenter » à partir de l’automne la suppression du train de 7h42 vers Paris en doublant le nombre de places dans celui de 6h47, contrairement à ses engagements initiaux jusqu’en 2027.

Au-delà, Michel Droin s’interroge : « Pourquoi faire de tels investissements (8,7M€) à la gare de Châtellerault si c’est pour enlever des trains ? » La problématique des dessertes « qui n’ont pratiquement pas changé » 
depuis la mise en service de la LGV Tours Bordeaux -idem à Poitiers (16,5 Paris-Poitiers, dont 7 vers Bordeaux)- fait ressurgir l’impact socio-économique de la ligne à grande vitesse, huit ans après sa mise en service. Pour le concessionnaire Lisea, le succès en termes de fréquentation ne se conteste pas. Avec plus de 19 millions de voyageurs par an, soit 
3,5 millions de plus qu’attendus, les voyageurs sont au rendez-vous. Et ils pourraient être encore plus nombreux à l’horizon 2030 (25 millions).

Poitiers en retrait

Et après ? « Grâce à la LGV, Bordeaux a bénéficié d’un essor économique important ces dernières années. Avec le développement du télétravail, elle a facilité l’installation de néo-Bordelais », indique Lisea(*), qui a organisé un colloque 
« bilan-perspectives » à Bordeaux le 25 mars. Poitiers se classe dans la deuxième catégorie des territoires bénéficiaires, ceux des aires urbaines « indépendantes et économiquement dynamiques ». Etonnamment, ni Grand Châtellerault (3,3M€), ni Grand Poitiers (9,9M€ de financement), ni le Département (30M€) -l’ex-Région Poitou-Charentes a refusé de contribuer- n’ont réalisé leur propre bilan des retombées de la ligne sur le territoire. Difficile pour le Conseil départemental, par exemple, de savoir si son investissement a été payé en retour. « J’ai demandé des chiffres précis au préfet. Reste que le train est un vrai outil d’aménagement du territoire décarboné », 
indique Alain Pichon. Et ce sera peut-être encore plus vrai demain puisque Lisea travaille sur l’ouverture à la concurrence de la ligne avec l’opérateur Proxima. Avec davantage de dessertes que celles offertes par la SNCF et des prix inférieurs ?

(*)Le bilan socio-économique de la LGV SEA a été réalisé en 2019, soit deux ans après la mise en service.
 

Un chantier record
3,3MM€. Le chantier de la construction de ligne entre Tours et Bordeaux (302km) a été une aubaine pour l’économie locale entre 2012 et 2017. Aujourd’hui chargé d’études à la Région, Etienne Fouqueray avait réalisé sa thèse sur l’impact économique du chantier. Jusqu’à 9 000 personnes ont contribué à l’émergence de la LGV, avec au total plus de 17 630 emplois soutenus en moyenne pendant la durée de sa réalisation. Autre chiffre marquant : le docteur en économie avait calculé qu’1€ investi s’était traduit par 1,96€ de production et 0,91€ de richesses locales générés.


 

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