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La sécurité des sites Seveso interpelle
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : mardi 26 novembre 2019Le deuxième week-end de novembre, un véhicule a explosé le grillage du site de stockage d’hydrocarbures de Bolloré Energy, à Chasseneuil. Un incident seulement constaté le lundi matin. Étonnant quand on sait que le site est classé Seveso "seuil haut"…
A Chasseneuil-du-Poitou, la rue de la Cluzette exige une lucidité à toute épreuve. Dans le virage le plus prononcé, un automobiliste en a visiblement manqué dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 novembre. Sa voiture a littéralement emporté le grillage d’enceinte du site de Bolloré Energy (ex-Picoty, ndlr) sur plus de quatre mètres. Même les barbelés Concertina en forme de lames de rasoir n’ont pas résisté à la violence du choc, projetés au sol. Simple fait divers (*) sans conséquence ? Pas vraiment. Il a fallu attendre le lundi 11 novembre au matin pour que l’incident, survenu sur ce site de stockage d’hydrocarbures, l’un des deux classés Seveso "seuil haut" dans la Vienne, soit signalé. D’où le courroux de Claude Eidelstein, maire de la commune. « Dès lundi matin, j’ai immédiatement appelé la gendarmerie et les services de la préfecture. La Dreal m’a rappelé et nous avons également reçu le responsable du site », indique-t-il.
Contacté par nos soins, le groupe Bolloré Energy reconnaît l’incident et annonce que « des mesures de renforcement (de la sécurité) seront effectivement prises. Elles font l’objet de discussions avec la Dreal et ne peuvent donc être communiquées dans l’immédiat. » Pourquoi personne n’est-il intervenu avant le lundi matin ? Le dépôt d’hydrocarbures est-il suffisamment bien protégé ?... A toutes ces questions, Bolloré Energy n’apporte hélas aucune réponse précise. Pas plus d’ailleurs que la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Ce service de l’Etat se contente de rappeler que « toutes les dispositions doivent être prises afin d’empêcher les personnes non autorisées d’accéder aux installations, notamment via la mise en place d’une clôture de 2,5m de haut ». Plus inquiétant, la vidéoprotection n’est « pas spécifiquement imposée aux exploitants des établissements Seveso seuil haut ». Lesquels ont toute latitude -gardiennage, alarme anti-intrusion…- pour « respecter l’exigence » d’« interdiction d’accès à toute personne étrangère aux installations ».
Jouffray-Drillaud joue la transparence
L’opacité autour de l’incident du 9 novembre ne laisse pas d’inquiéter, a fortiori après l’incendie majeure de l’usine Lubrizol, à Rouen. A Cissé, Jouffray-Drillaud, le second site classé Seveso "seuil haut" du département, on a bien conscience de la nécessité de jouer la transparence. Spécialisée dans les semences, l’entreprise abrite néanmoins des produits phytosanitaires, sous haute surveillance. « Notre POI (Plan d’opération interne, ndlr) comprend une cascade de plans, à quatre niveaux différents. Un titulaire et deux suppléments sont désignés pour chacun d’eux, à la direction générale, à l’exploitation, à la gestion et dans les services externes, explique le directeur général Luc Saint-Bonnet. Nous faisons un exercice en présience des pompiers du Sdis un an sur trois. » Des rondes quotidiennes, effectuées par le personnel de maintenance, font partie des mesures anti-intrusion du site, dont l’accès se fait par badge, avec obligation de se présenter à l’accueil. Caméras de surveillance, étanchéité du site, murs coupe-feu, astreinte, développement informatique pour gérer l’état des stocks en temps réel... Le directeur général de Jouffray-Drillaud convient que ce classement Seveso a un coût, difficile à chiffrer en termes de charges. Côté investissements, l'impact est également majeur. Chaque année, la question se pose donc du maintien ou non de cette activité annexe de stockage des produits phytosanitaires. « Il faut trouver le juste équilibre entre coûts, revenus et risques. »
(*) La section de gendarmerie de Jaunay-Marigny a ouvert une enquête pour retrouver le conducteur du véhicule.
Mutisme
Rouen. 26 septembre 2019. Un gigantesque incendie ravage l’usine Lubrizol. Plus de 5 200 tonnes de produits chimiques se consument à l’air libre. Polémique immédiate sur les responsables du sinistre et les infos qui filtrent de la préfecture de Seine-Maritime. On reproche à la Direction régionale de l’environnement et de l’aménagement (Dreal) de ne pas avoir communiqué assez vite la liste des produits contenus sur le site. Dès le 3 octobre, son homologue de Nouvelle-Aquitaine a mis en ligne un condensé d’informations relatives aux sites Seveso. L’intention est louable. Mais comment expliquer que la même Dreal se mure dans un silence assourdissant à l’heure d’évoquer l’incident -pas de même nature évidemment- survenu le 9 novembre à Chasseneuil ? En guise de réponse à nos questions, des textes réglementaires et autres arrêtés préfectoraux. On repassera pour les efforts de transparence. Que les autorités ne s’étonnent pas que leur parole soit systématiquement mise en cause. Il en va de la protection des sites Seveso comme de la sécurité publique ou de la gestion de la politique migratoire. L’opacité est mauvaise conseillère.
Arnault Varanne
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