Les 4 saisons des Gilets jaunes

Rares sont les mouvements sociaux à se prolonger autant. Les Gilets jaunes s’apprêtent à fêter leur premier anniversaire. Un an après les débuts de la grogne sociale, que reste-t-il des revendications de l’époque ? De la mobilisation citoyenne ?...

Steve Henot

Le7.info

17 novembre 2018. Les prix à la pompe atteignent un niveau record, 1,51€ le litre de gazole et 1,54€ le sans plomb 95. L’annonce d’une hausse des taxes sur le carburant constitue le point de départ d’une contestation d’ampleur dans tout le pays. Inédit, imprévisible et spontané, le mouvement des Gilets jaunes est né.

Dès le premier rassemblement, ils sont 8 000 à défiler à Poitiers, Châtellerault, Loudun... Tout l’hiver, ils continuent d’occuper les ronds-points. « Ce n’était pas du tout le public que l’on voyait habituellement dans les manifestations », observe Pierre Odin, sociologue poitevin, qui a participé au mouvement jusqu’au printemps dernier. Si la taxe carbone et l’abaissement de la vitesse à 80km/h ont constitué l’étincelle, les revendications se sont élargies au pouvoir d’achat, puis à un besoin plus fort de démocratie locale. Le fameux Référendum d’initiative citoyenne en tête.

Des assemblées en rangs serrés

Reste que les rangs se sont clairsemés à la fin de l’hiver : un millier de Gilets jaunes recensé à Poitiers en janvier, plus qu’une cinquantaine fin octobre à Loudun. « Je pense que l’on est passé à autre chose. Cela fait des mois que je n’ai plus vu de gilet jaune dans une voiture », confie Bénédicte. Après avoir été très active au rond-point de Mignaloux-Beauvoir, elle a quitté le mouvement pour raisons familiales. « La mobilisation demande beaucoup de disponibilité, des arbitrages entre la vie privée et professionnelle, explique Pierre Odin. Mais il reste des groupes soudés, militants et politisés. » Comme à Poitiers et Châtellerault.

Dans la foulée du Grand débat, le mouvement s’est peu à peu organisé en assemblées citoyennes, où l’on débat régulièrement de questions sociétales, d’actions et d’orientations futures. « Ensemble, nous vivons la vraie démocratie et réhabilitons la fraternité, affirme un groupe de « GJ » châtelleraudais. Les revendications sont toujours les mêmes. Les motifs sont toujours plus nombreux pour inciter le mouvement à s’ancrer durablement et à s’endurcir, face aux réponses qui ne sont que répression. »

« Il faut être vigilant, à l’écoute »

Bénédicte, elle, ne s’est pas retrouvée dans ce modèle. Elle est un peu désabusée. « Qu’a-t-on obtenu depuis un an ? » Le député (Modem) de la 4e circonscription Nicolas Turquois tient pourtant à rappeler « l’impact considérable du mouvement sur les finances publiques. Un milliard d’euros de taxes et d’impôts ont été retirés, il y a eu des efforts très importants du gouvernement ». Pierre Odin y voit, lui, d’autres réussites. « Le mouvement a été l’occasion pour beaucoup de participer politiquement de façon intense. Et il a réussi à installer ses propres thématiques de manière durable dans le paysage politique. »

Un rassemblement est prévu, samedi (14h), au rond-point de la Main-Jaune pour l’anniversaire des Gilets jaunes. De là à imaginer un retour en force du mouvement, avec la réforme des retraites… « Il y a une forme de sensibilité accrue, peut-être, admet Nicolas Turquois, qui va animer plusieurs réunions publiques autour de ce thème. Il faut être très vigilant, être à l’écoute des uns et des autres, éviter la provocation. Nous devons être très attentifs au climat social. » La date du 5 décembre, jour de grève nationale annoncée, est déjà dans toutes les têtes, tandis que le prix du carburant, lui, continue de reculer (-0,14€ pour le gazole, -0,05€ pour le SP95).

À lire aussi ...