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L’Eglise aux prises avec elle-même
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : lundi 25 mars 2019Les déclarations de Mgr Wintzer, archevêque de Poitiers, sur le lien entre ordination des hommes mariés et lutte contre les abus sexuels, ont provoqué une levée de boucliers parmi les fidèles. Les voix de l’Eglise sont dissonantes sur les sujets de société, notamment à cause des affaires récentes.
En début de semaine, le cardinal Barbarin a remis sa démission au pape, après avoir été condamné par la justice pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs. En Australie, un autre cardinal, George Pell, ancien numéro 3 du Vatican, purge une peine de six ans de prison pour agressions sexuelles sur deux enfants de chœur. De Sodoma, le livre signé Frédéric Martel, à Grâce à Dieu, le long-métrage de François Ozon, la parole se libère comme jamais au sujet des scandales de pédophilie dans l’Eglise, longtemps cachés. Dans ce contexte lourd de sens, comment faut-il interpréter la double sortie médiatique de Mgr Wintzer ? Extraits : « Je pense que les hommes mariés pourraient être appelés à être prêtres, comme cela existe dans l’Eglise d’Orient, tout en continuant une activité professionnelle. (...) L’une des raisons des crimes qui existent vis-à-vis d’enfants et de femmes vient de cette conception sacrée du prête. »
« Le célibat ne conduit pas à la perversité »
Si la première partie de la phrase de l’archevêque de Poitiers se comprend, au regard de la crise des vocations, le second volet fait l’effet d’une petite bombe. Existe-t-il un lien de causalité entre le célibat des prêtres et les crimes sexuels ? Au-delà, est-ce la dimension sacrée des hommes d’Eglise qui a conduit pendant des décennies à cette omerta ? « Le célibat ne conduit pas à la perversité », estime Julien Dupont, vicaire épiscopal. Et le numéro 3 du diocèse de Poitiers d’enfoncer le clou : « C’est la formation morale, la psychologie, l’histoire d’une personne mais pas son orientation sexuelle. » Autant dire que l’intéressé a peu goûté les propos de Mgr Wintzer.
« Je regrette que l’évêque ne fasse pas cette distinction et qu’il n’ait pas démenti cela dans dans des interviews. Sur ce point précis, je ne peux pas laisser entendre cela, eu égard aux confrères prêtres et à tant d’hommes et de femmes qui vivent tant de souffrances et d’abus. » Le père Dupont veut préciser les choses. Lui milite pour « plus de collégialité dans les décisions », une « évaluation et une formation permanente des prêtres », et le renforcement du « rôle des baptisés ». Hasard du calendrier, cette proposition de l’évêque intervient quinze jours après la remise au pape, par les deux hommes, des actes du Synode et à quelques semaines d’élections à la Conférence des évêques de France. A son retour du Panama, le pape François avait été très clair sur la question de l’ordination des hommes mariés : « Personnellement, je pense que le célibat est un don de l’Eglise. Et je ne suis pas d’accord pour permettre le célibat optionnel. » Avant d’estimer que « la question doit rester ouverte, là où il y a un manque de prêtres ». Il pensait alors davantage à des endroits isolés de la planète, comme les îles du Pacifique ou l’Amazonie. Loin des tourments du diocèse de Poitiers.
Chez les protestants, les pasteurs peuvent être mariés et avoir des enfants depuis le XVIe siècle. Pourquoi ? « Parce que nous sommes avant tout des enseignants, pas plus chrétiens que les autres », souligne Roland Poupin qui occupe cette fonction à Poitiers et Châtellerault. Il a suivi une formation particulière en théolo- gie qui l’autorise à transmettre son savoir. Les protestants sont constitués en associations cultuelles. Contacté directement par le conseil presbytéral, sorte de conseil d’administration, le pasteur rejoint la communauté s’il le souhaite pour une durée de six ans renouvelable une fois. Il revêt d’autant moins cette dimension sacrée qu’il n’est pas le seul à pouvoir présider le prêche.
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