La femme derrière le sourire 

Isabelle Carré est présente ce lundi aux Editeuriales pour présenter Les Rêveurs. Un premier roman à travers lequel l’actrice révèle un véritable talent d’écriture. Et bien plus encore. 

Claire Brugier

Le7.info

« J’ai l’habitude avec les journalistes d’être toujours associée à deux qualités : discrète et lumineuse ! » Les Rêveurs, p. 262. Dans les phrases qui suivent, Isabelle Carré s’en étonne, apprécie, en sourit, de ce sourire, presqu’une armure, auquel elle attribue avec une certaine reconnaissance son image d’« actrice connue, que personne ne connaît ». Son premier roman, paru aux Editions Grasset en janvier 2018, lève un coin de voile -même si l’étole semble bien plus large- sur la fillette, la jeune femme et la femme qu’elle est devenue. Isabelle Carré se raconte avec franchise et pudeur, à la première personne, à la troisième, à travers des voix réelles ou imaginées, qui sont tantôt la sienne, tantôt celles de sa mère, de son frère... Les rêveurs, ce sont eux, les siens. 

Comme dans un rêve ou une confidence chuchotée, l’auteure convoque sa mémoire et en comble les trous dans une écriture à la fois simple et vaporeuse, enchaînant ses pensées. Elle entraîne le lecteur à la recherche de ses souvenirs, des couleurs, des odeurs de l’improbable appartement dans lequel elle a grandi, quelque part dans Paris. Elle décrit son enfance entre deux origines, mi-aristocratique mi-roturière, entre deux parents si différents, qui l’ont imprégnée d’une vaste culture cinématographique, littéraire et musicale, mais aussi de bien d’autres choses. Elle les connaît tellement qu’elle n’a même pas besoin de les nommer pour en faire des silhouettes incarnées, vivants personnages d’« une enfance de rêve, plutôt qu’une enfance rêvée »

Un roman à tiroirs

Isabelle, François, Paul, Claire... Chacun est identifiable et identifié à travers son lien avec les autres. Pourtant jamais le lecteur ne s’y perd ; les personnages lui deviennent familiers, comme par une étrange translation entre l’auteure et son lecteur. Isabelle Carré se livre à – et à travers- un remarquable exercice de style exécuté en toute simplicité, en toute intimité. Comme dans les carnets qu’elle noircit semble-t-il depuis l’enfance. Une enfance des années 70-80 habitée par La Boum ou Goldorak - que la jeune Isabelle n’avait pas le droit de regarder- mais aussi les publicités Galak, Oasis… 

Les générations, le divorce, l’homosexualité de son père, les tourments de la dépression et le sourire de sa mère, sa/ses tentatives de suicide, l’impersonnalité de la prison, la vieillesse, le théâtre salvateur, Paris, ses innombrables vies au cinéma, la construction de ce texte autobiographique… le premier roman d’Isabelle Carré est riche de toute une vie, ou plutôt de plusieurs vies, sans jamais tomber dans le travers d’un foisonnement indigeste ou d’une fastidieuse énumération.

A 47 ans, et «  même si cela manque sans doute d’ambition artistique », la comédienne- écrivaine qui voulait devenir danseuse classique s’en confie joliment : « Je rêve surtout de rencontrer des gens. Je n’ai jamais trouvé simple de faire connaissance ailleurs que sur un plateau. Mais on se quitte une fois le tournage ou la pièce terminé, et on ne se revoit jamais comme on se l’était promis… Alors je m’offre une seconde chance, j’écris pour qu’on me rencontre. » Rendez-vous aux Editeuriales... 

 

 

Crédit / JF PAGA

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