mardi 24 décembre
La souffrance au travail est un sujet de plus en plus prégnant. Entre « simple » mal-être et harcèlement moral caractérisé, le phénomène épouse diverses formes. Que la justice reconnaît parfois dans des conflits entre employeurs et salariés…
Le 14 janvier, le Conseil de prud’hommes de Poitiers a condamné le Medef Vienne à verser à l’une de ses anciennes salariées un peu plus de 35 000€ de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Dans ses conclusions, les magistrats ont estimé que si la plaignante n’avait « pas fait l’objet d’un harcèlement moral régulier », son employeur avait en revanche « manqué à ses obligations de sécurité à son égard ». Le conflit s’était soldé par un licenciement en septembre 2016, après un an et demi d’une situation très tendue.
Dans le cas d’espèce, les juges prud’homaux n’ont donc pas retenu la notion de harcèlement moral. De fait, pour Me Richard Filipak, avocat spécialisé dans le droit des salariés, le harcèlement moral est « un terme un peu galvaudé aujourd’hui ». « On y met beaucoup de choses, a fortiori dans des relations compliquées entre des personnes. Le plaignant doit rapporter tous les éléments montrant une ambiance anormale de travail, ce qui n’est jamais facile. S’il les estime pertinents, le juge demande alors à l’employeur de prouver que le harcèlement n’est pas constitué. » Ainsi, en France, l’année dernière, moins de 600 affaires ont été instruites par une juridiction.
« Pas toujours une volonté de nuire »
Comportement agressif et désobligeant, appréciation négative, mise au placard, au sens propre comme au figuré, retrait de certaines attributions, humiliation publique… Le harcèlement moral est défini par des critères précis et conduit, dans tous les cas, à une dégradation de l’état de santé des salariés. Une souffrance psychique et physique dont les professionnels de santé constatent les dégâts. « Depuis cinq ans, nous avons de plus en plus de remontées, des ressentis, des sentiments de mal-être très clairement exprimés », observe Dominique Derenancourt, directeur général de l’Association du service de santé au travail de la Vienne (ASSTV). Il n’y a évidemment « pas toujours, et heureusement, une volonté de nuire aux salariés ». Pour lui, quatre facteurs conduisent à ce mal-être grandissant : la charge de travail, le sentiment d’inutilité, l’absence de moyens donnés pour réaliser le travail et le manque d’autonomie. « A quoi sert-elle si on n’a pas les moyens de cette autonomie ? », interroge-t-il.
Dans son enquête « Parlons travail », réalisée en 2017 auprès de 200 000 personnes, la CFDT a d’ailleurs mis en évidence des éléments probants. 35% des personnes estiment que « leur travail nuit à leur santé » et 36% déclarent « avoir fait un burn-out ». Le mode de management, le trop-plein d’activité et le manque d’autonomie figurent sur le podium des causes de souffrance au travail. Dans le même temps, 77% des sondés disent « aimer leur job ». C’était le cas de l’ancienne cadre du Medef…
Psychiatre au centre hospitalier Laborit, Jean-Jacques Chavagnat reçoit beaucoup de « blessés du travail » dans son cabinet. Des profils de salariés ou cadres qui « s’investissent beaucoup » mais tombent parfois de haut devant la défiance de leur hiérarchie. « La reconnaissance est quelque chose de très important dans le cadre professionnel. Si la rétribution financière est essentielle, la rétribution symbolique, la valorisation, l’est au moins autant. »
Edito
Le sens
La souffrance au travail n’est pas qu’un sujet vaporeux pour universitaires en quête de publications scientifiques. Elle existe « vraiment » et s’ancre même chaque jour un peu plus dans les entreprises, collectivités, associations… Aux rapports tendus entre salariés et dirigeants, s’agrègent désormais d’autres problématiques tout aussi pathogènes : la surcharge de travail, le manque d’autonomie, le sentiment d’une forme d’inutilité ou encore le conflit de valeurs entre un « ordre » et son exécution jugée contre-nature. Dans ces cas de mal-être extrême, on est loin de la vision du travail comme élément d’émancipation. Attention toutefois à ne pas noircir le tableau, nous sommes nombreux à aimer notre job, au point d’y consacrer beaucoup de temps et d’énergie. Notre point commun ? Une certaine forme de reconnaissance -sociale, financière…- et la maîtrise du sens. Ce sens qui fait tant défaut aujourd’hui dans les organisations où la place du collectif est réduite à la portion congrue.
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