En invitant un éditeur et ses auteurs, les Editeuriales, qui se déroulent du 12 au 23 mars, sont un événement unique dans le paysage culturel français. Rencontre avec Jean-Louis Glénisson, directeur de la médiathèque François-Mitterrand de Poitiers, qui organise et accueille l’événement.
Comment définiriez-vous la philosophie des Editeuriales ?
« L’idée est de créer un événement littéraire dans la médiathèque pour y faire vivre la littérature, qui est déjà dans les rayonnages et entre les mains des lecteurs, de façon différente. Plutôt qu’un salon ou une foire aux livres, nous avons souhaité une manifestation de rencontres, en allant chercher une personne que l’on ne voit jamais : l’éditeur. On réunit ainsi toute la chaîne du livre ou presque : un éditeur ou plutôt une équipe d’éditeurs, des auteurs, des libraires, des lecteurs... Il ne manque plus que les imprimeurs. »
Pourquoi le choix de "rencontres" ?
« Nous tenions au caractère un peu intime, personnalisé, de la rencontre, avec un temps de dialogue entre l’éditeur et l’auteur, modéré par un journaliste littéraire, un échange avec les lecteurs et un temps de dédicaces, toujours très précieux. »
Habituellement, quel lien une médiathèque entretient-elle avec les éditeurs ?
« En mode normal, aucun, sauf pour les tout petits éditeurs. Sinon nous passons des marchés avec des libraires indépendants. Il y a dix ou quinze ans, alors qu’ils connaissaient des difficultés économiques, certains éditeurs ont considéré que les bibliothèques leur mangeaient des parts de marché. Ce n’est plus le cas. Les bibliothèques et médiathèques ont un grand rôle de diffusion du livre. Et de mémoire pour des livres épuisés par ailleurs. »
Quel est l’accueil réservé par les éditeurs aux Editeuriales ?
« Au début, ils ont été surpris, mais jamais méfiants ni hostiles. Nous avons débuté en 2015 avec Julliard ; la directrice Betty Mialet a beaucoup aidé à amorcer l’affaire. Puis nous avons accueilli Actes Sud, Flammarion, Minuit et cette année Grasset. La réputation de Poitiers commence à se faire, nous apportons une voix singulière. »
"Nous veillons à ce qu'il y en ait pour tous les goûts"
Proposer des noms connus par ailleurs comme, cette année, Samuel Benchetrit ou Isabelle Carré, est-il une façon de capter un nouveau public ?
« Le but est en effet que la manifestation soit ouverte au plus grand nombre. L’entrée est libre et le programme annoncé. Dans la composition des rencontres, nous veillons ce qu’il y en ait pour tous les goûts. On retrouve bien sûr les voeux de la médiathèque -les petites envies des bibliothécaires-, mais on fait aussi selon la stratégie de la maison d’édition et la disponibilité des éditeurs et des auteurs. On retrouve des gens très connus, d’autres moins, le but étant toujours de dédramatiser la littérature, pour que tout le monde puisse y voir un intérêt, un goût. »
La fréquentation de la médiathèque s’en ressent-elle ?
« On observe en effet un pic, dans la fréquentation de la médiathèque comme dans les prêts, notamment des romans publiés chez l’éditeur invité. Ils se mettent à tourner à toute vitesse. Les libraires aussi ressentent cette accélération, avant, pendant et après la manifestation. Car il ne faut pas oublier que le livre reste un objet commercial, pas n’importe lequel mais un objet commercial. Tout cela démontre que les Editeuriales ont trouvé leur efficacité. »
La manifestation est-elle amenée à se développer, au risque de perdre le côté intimiste dont vous parlez ?
« Les Editeuriales s’étalent sur deux semaines, afin d’éviter le risque d’indigestion et pour que le public s’y retrouve. Tout en conservant le caractère privilégié de ce moment, la question de la croissance va nécessairement se poser. Je pense qu’il faut que l’on réfléchisse à des variations qui permettent d’étendre la manifestation au territoire. Elle est ou a déjà été en lien avec le cinéma, en partenariat avec le Dietrich et le Tap-Castille, avec la musique, avec le monde enseignant à travers la rencontre dans un lycée, mais aussi au sein de clubs de lecture... Quoi qu’il en soit, d’un éditeur à l’autre, c’est toujours un recommencement. Ce n’est pas pour rien que nous leur donnons « carte blanche ». »
Les Editeuriales, du 12 au 23 mars, médiathèque François-Mitterrand de Poitiers. Retrouvez le programme sur grandpoitiers.fr et bm-poitiers.fr
Crédit photo : O. Neuillé, Médiathèque François-Mitterrand