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« Il n’y a pas de complot, mais des coïncidences »
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : mercredi 06 mars 2019Comment en vient-on à croire une fake news, à tomber dans la théorie du complot ? Docteur en biologie et auteur de la chaîne YouTube « La Tronche en biais », Thomas Durant apportera ses observations, mercredi 6 mars à l’Ensip, dans le cadre du cycle « Les Amphis du savoir ». Entretien.
Thomas C. Durand, quel est l'objet de votre conférence « Créationnisme et conspirationnisme : mécanique de la croyance » ?
« J'y propose une grille de lecture à la question : « Pourquoi croit-on des choses fausses ? » Je suis biologiste et, pendant longtemps, j’ai observé des gens rejeter la théorie de l’évolution. J'ai tenté de débattre avec eux, en vain. Avec le temps, j'ai vu des passerelles, des points communs entre créationnisme et conspirationnisme et j'ai alors cherché à comprendre quels sont la rhétorique et les ressorts psychologiques de cette pensée. Cela m'a permis de montrer ce qui se passe dans la tête, au moment d'interpréter une information. »
Comment expliquez-vous ce goût, très actuel, pour les théories du complot ?
« Ce n'est pas si nouveau. La pensée nazi, qui était axée sur le complot juif, c'était déjà totalement conspirationniste. Les gens qui adhèrent à ces théories ne sont pas des aliens. Nous faisons tous des inférences mentales, des déductions ; eux le font juste un peu plus que le reste de la population. Ils vont tout coller, se raconter une histoire... C'est valorisant. Et si on est habitué à penser qu'il n'y a jamais de coïncidences, c'est aussi rassurant. Ainsi, « parce que je sais, je suis différent des autres, je suis spécial. » C'est ce que montre d'ailleurs le dernier sondage en date de l'Ifop : les personnes les plus sensibles aux thèses conspirationnistes sont celles qui se sentent le plus en échec dans leur vie. »
Les réseaux sociaux ont-il favorisé ce phénomène ?
« Internet est un grand accélérateur des inférences, par le grand nombre de narrations virales que l'on y trouve chaque jour. Les réseaux sociaux favorisent aussi leur diffusion, grâce à leurs algorithmes. Car ce qui est intéressant, c'est tout ce qui est choquant, subversif... YouTube a décidé de se battre contre ça mais, dans le même temps, continue de confier sa ligne éditoriale à des algorithmes plutôt qu'à des humains. »
Comment éviter, alors, de succomber à ces réflexes complotistes ?
« Je n'ai pas de remède miracle. Il faut diversifier les sources d'information, ne pas hésiter aussi à aller voir ce que disent les gens qui ne sont pas d'accord avec nous. Sinon, comment savoir qu'ils ont tort ? Attention, il y a aussi de la propagande dans les médias mainstream... Le vrai est, je crois, quelque part entre les deux. Mais sans doute plus proche du mainstream, à mon sens. Cela dépend aussi de l’éducation. J'en suis convaincu, on est un peu immunisé contre les thèses complotistes dès lors que l'on comprend les mécanismes de l'évolution, que l'on est conscient des grands principes darwiniens. Comment, finalement, la nature produit de l'ordre et de la complexité, sans qu'il n'y ait de réelle volonté derrière. Il y a toujours des coïncidences. Cela, il faudrait mieux l'expliquer en amont. »
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