Victorien Draperon. 29 ans. Adepte de la zététique (oui, ça existe !). A témoigné début février, lors du premier TEDx de Poitiers, de son parcours par le complotisme. Boulimique de connaissances.
Il les appelle « mes petites croyances infondées », sans nostalgie mais avec une certaine affection. Pourtant depuis cinq ans, Victorien Draperon les combat, elles et toutes les pensées sans fondement scientifique. Lors du premier TEDx de Poitiers organisé à l’Espace Mendès-France, début février, il l’a confessé, debout face au public. « J’ai suivi des personnes peu recommandables dans la complosphère. » Quelques jours plus tard, à une table du Café des arts, à Poitiers, le jeune homme de 29 ans réitère cet aveu, désormais presque naturellement. La boutique mitoyenne évoque l’ésotérisme. Il s’amuse de la coïncidence, lui qui est né dans « une famille portée sur l’ésotérisme ». Magnétiseuse, sourcier, radiesthésiste avec un pendule... Le Poitevin, troisième d’une fratrie de quatre garçons, les a côtoyés pendant toute son enfance. « A 18 ans, je crois que j’ai fait un réaction anti-patron, même si mon père est patron et que je l’adore, précise-t-il. Cela a marqué le début de ma politisation. »
De fil en aiguille, de sites Internet en vidéos YouTube, poussant à l’extrême « la critique de l’idéologie dominante », il a cherché des réponses dans le complotisme. « Et je suis allé assez loin..., avoue-t-il. J’ai découvert plein de penseurs pendant cette période-là, mais aussi des personnes qui agrègent les pensées pour en faire un discours. » Puis il a découvert Henri Broch, le père de la zététique. « Dans les pays anglo-saxons, on le traduit par « scepticism ». La zététique, c’est la science appliquée aux phénomènes paranormaux. Ce n’est pas une méthode, c’est un courant de pensée. Une gymnastique de l’esprit qui consiste à douter de manière structurée. »
« La connaissance appelle la connaissance »
Derrière ses lunettes écailles, ses yeux bruns trahissent une intense activité cérébrale. Victorien Draperon ne semble laisser aucun répit à son cerveau ; tout est matière à réflexion, y compris les textes de rap, une musique qu’il écoute volontiers, « mais en français, il faut que je comprenne ! » Car « le rap, ce sont des discours sonores ». Des mots, des idées, qu’importe la mélodie.
« La connaissance appelle la connaissance », explique-t-il, concédant une certaine « boulimie » et une hyperconnexion. « J’écoute des émissions en podcast même quand je fais la cuisine ou le ménage. » Il lit aussi beaucoup, Noam Chomsky et bien d’autres. « Pas de romans ! », s’exclame-t-il, repoussant l’idée avec véhémence. Sans doute les romans, comme la télévision, qu’il n’a plus regardée depuis dix-huit ans, sont-ils également « trop lents ». Même s’il assure s’octroyer des moments de lâcher-prise avec ses copains, lorsqu’il fait du sport ou part sur les routes avec sa compagne, dans leur van aménagé, Victorien Draperon est toujours impatiemment en quête de sens.
« C’est sa façon d’être. Dès qu’on lui parle, on voit qu’il analyse si on n’est pas en train de l’embrouiller. Il est très dans le contrôle », s’amuse Benoît Dujardin, le président de Vox Actum, association organisatrice du TEDx. Il aurait dû être agent secret ou détective privé. » Titulaire d’un master II de l’IAE de Tours, Victorien Draperon est conseiller en recrutement dans une agence d’intérim. « Rien à voir avec la zététique ! » assène-t-il.
« J’avais des choses magiques à dire ! »
C’est lors d’une soirée-débat sur « capitalisme et nihilisme » qu’il a rencontré Pierre, un autre converti au zététisme qui lui a parlé du TEDx. « J’ai envoyé une vidéo de trois minutes. Je le faisais pour moi, pour essayer de résumer ma pensée. J’avais des choses magiques à dire ! »
Lors de la préparation, son coach Stéphane Graciet a découvert « un personnage en cheminement, à fleur de peau, qui se pose des questions ». Le comédien Hervé Guyonnet, qui l’a également accompagné, évoque « quelqu’un qui aime que les choses aillent dans son sens ». Le comédien de la compagnie Quiproquo s’est donc appliqué à lui montrer que « parfois, aller à contre-sens de ce qu’il pensait était bénéfique».
Adepte de la dialectique, Victorien Draperon se défend pourtant de tout dogmatisme. « Parfois je suis combattant, parfois très compréhensif. La zététique, ce n’est pas douter de tout tout le temps, mais douter d’affirmations extraordinaires. C’est une position d’humilité : c’est tuer l’égo, remettre en question ses croyances et apprendre à suspendre son jugement. Cela permet de regarder l’actualité de façon moins passionnée.» Mais visiblement avec toujours autant d’intensité, ne serait-ce que parce que « la connaissance, c’est cool ; il se passe des choses fortes quand on la partage ».
(*)TEDx (Technology-Entertainment-Design) : conférences au cours desquelles chaque « speaker » dispose de dix-huit minutes maximum pour partager ses idées, sa vision, ses expériences face au public.
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