mardi 24 décembre
80km/h : quels effets dans la Vienne ?
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : vendredi 01 mars 2019En partenariat avec France Bleu Poitou, la rédaction du « 7 » vous livre les résultats de son enquête sur l’abaissement de la vitesse autorisée sur le réseau secondaire. Si les 80km/h n’ont pas sauvé de vie, la mesure a fait diminuer le nombre d’accidents corporels.
La mise en place de la limitation de la vitesse à 80km/h a-t-elle fait chuter le nombre d’accidents au second semestre 2018, dans la Vienne ?
Depuis le 1er juillet, tous les automobilistes sont censés rouler à 80km/h, au lieu de 90, sur le réseau secondaire. De juillet à décembre 2018, sur l’ensemble du réseau, le nombre d’accidents a baissé de 24% par rapport à la même période en 2017 (137 contre 178). Même décrue concernant les blessés (-23%, 193 contre 248). En revanche, on déplore davantage de blessés hospitalisés et de tués (10 au second semestre 2018 contre 7 sur le deuxième semestre 2017).
Quels sont les axes les plus accidentogènes ?
Si les grands axes -RN10, RN147, RN149- sont relativement épargnés, les départementales concentrent la majeure partie des collisions. C’est hors agglomération, en zone gendarmerie, que les accidents sont les plus nombreux : 72 au second semestre 2018 contre 49 au premier semestre, avant la mise en place des 80km/h. Par voie de conséquence, les routes départementales sont statistiquement les plus représentées dans la mortalité routière. 11 personnes y ont perdu la vie l’an dernier, sur les 19 disparues au total. C’est cependant le plus faible total des dix dernières années, le pic ayant été atteint en 2010 -à égalité avec 2013-, 36 morts dont 21 sur les départementales.
Dans combien d’accidents la vitesse est-elle en cause ?
S’il y a bien un sujet de discorde, c’est celui-là ! Impossible de déterminer avec certitude combien d’accidents se sont déroulés exclusivement à cause d’une vitesse excessive. Sur la base des rapports des forces de l’ordre, la préfecture de la Vienne avance des pistes de compréhension. A l’en croire, au second semestre 2017, la vitesse excessive ou inadaptée et le non respect des règles de circulation (priorités, changements de file) ont représenté plus de la moitié des facteurs d’accidents mortels. Au second semestre 2018, la vitesse excessive ou inadaptée et le non respect des règles de circulation (priorités, distances de sécurité) n’ont « pesé » que pour 21%. Un effet 80km/h ? Difficile de répondre avec certitude…
Les chiffres auraient-ils été meilleurs avec tous les radars en état de fonctionner ?
Là encore, il est compliqué de répondre par l’affirmative sans nuancer le propos. Ce qui est certain, c’est que les forces de l’ordre ont constaté un certain relâchement des automobilistes depuis plusieurs mois. Symboles de la défiance populaire, les radars ont subi les foudres des Motards en colère, puis des Gilets jaunes.
Que disent les autorités de ces premiers chiffres ?
La préfecture de la Vienne, qui n’a pas voulu s’exprimer publiquement, précise toutefois par voie de communiqué que « le délai scientifique retenu est de cinq années pour étudier l'évolution de l'accidentalité suite à une nouvelle mesure de sécurité routière ». Et de conclure : « Il est difficile à ce stade de tirer des conclusions définitives de la tendance positive observée. »
Y aura-t-il un retour à plus de souplesse dans les départements ?
Après Emmanuel Macron lui-même, la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault a admis, en fin de semaine dernière, que « consulter les élus locaux » relèverait « du bon sens ». De là à détricoter la généralisation des 80km/h, il n’y a qu’un pas. Vice-président du Département en charge des Routes, Gilbert Beaujanneau est d’accord sur le principe. Il cite « Poitiers-Gençay ou la RD347» comme autant d’axes sur lesquels la vitesse légale pourrait augmenter.
Principal contempteur de l’abaissement de la vitesse à 80km/h, « une mesure qui n’a rien apporté du tout » selon lui, le sénateur Alain Fouché préconise un retour à la table des négociations. « Il faut une réunion dans chaque département avec la préfète, les maires, le président du Département, la gendarmerie et la police pour tout remettre à plat. Par exemple, sur la route Châtellerault-Chauvigny, c’est dangereux de rouler à 80 ! »
« Le gouvernement ne dit pas la vérité. Il souhaite juste récupérer des fonds supplémentaires pour rembourser la dette de l’Etat ! » A l’heure de commenter le flottement autour de l’abaissement de la vitesse à 80km/h sur le réseau secondaire, Alain Fouché n’y va pas avec le dos de la cuillère. Le sénateur de la Vienne doute du chiffre fourni par Edouard Philippe mi-janvier, en l’occurrence ces 116 vies épargnées au second semestre 2018. Les arguments de la Ligue contre la violence routière produisent le même effet indolent sur ses certitudes de parlementaire « frondeur ». A lui seul, l’examen des chiffres détaillés de la sécurité routière pourrait donner lieu à un Grand Débat national pendant plusieurs semaines ! Mais le gouvernement, crise des Gilets jaunes oblige, ne peut se permettre une nouvelle polémique sur fond de colère sociale. Il devra donc sans doute se renier en partie, à tout le moins rendre du pouvoir aux élus locaux plus près de la réalité du terrain. Une nouvelle fois, l’expérimentation aura fait long feu. La bagnole reste, en France, un instrument d’affirmation de soi et la vitesse autorisée un puissant moteur de contestation. Pour être tout à fait exact, la hausse de la taxe sur les carburants a joué le rôle de détonateur dans la fronde actuel. Un fait est cependant incontestable : le nombre de morts sur les routes a atteint son plus bas niveau historique l’an passé. CQFD.
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