
Hier
« Cette fille, elle est exceptionnelle, je n’ai pas le droit de la lâcher. » Dans la bouche de Gérard Bouffet, ce soir-là, l’émotion affleure. L’ancien mentor de Mahyar Monshipour se dévoue corps et âme pour que Mélanie Mercier puisse combattre, le 16 mars prochain, à Lawson-Body, face à la championne du monde française WBF des poids mi-mouche, Anne-Sophie Da Costa. Une cagnotte est en ligne sur helloasso.com, de manière à récolter les fonds nécessaires à l’organisation du gala. En attendant que la plateforme « fasse le job », la Civraisienne et son entraîneur répondent à toutes les sollicitations histoire d’engranger des soutiens. Ce soir-là, donc, les voilà au milieu des membres de l’association « Elles M86 », à Fontaine le Comte.
« Parler en public, ce n’est pas trop mon truc… », maugrée la jeune trentenaire. Qui se sublime devant l’adversité. « Plus on me dit « tu n’y arriveras pas », plus j’ai envie de prouver le contraire. » C’est l’histoire de sa vie. « Plutôt nerveuse » et « souvent avec les garçons », Mélanie a d’abord préféré l’énergie collective du hand pour se défouler. Jusqu’à ce qu’un coup de poing atterrisse dans le visage d’une adversaire, alors qu’elle joue à Pressac. Elle a 19 ans. Direction la salle de boxe de Civray, sur les conseils de quelques proches. L’énergie qu’on met à taper dans le sac, on ne la met pas ailleurs. Franchement, si je n’avais pas eu de plaisir, je n’y serais pas retournée. »
Une chanson en son honneur
« Grosse bosseuse », selon Gérard Bouffet, la jeune femme a cru devoir raccrocher les gants à la naissance de son troisième enfant. Loane (3 ans aujourd’hui) est née avec une atrésie de l’œsophage. « Elle a passé trois semaines dans le coma. Et après, il a fallu régulièrement l’emmener au CHU de Limoges pour des examens. Franchement, la boxe, je n’y pensais plus, même si ça me manquait. » Loane guérie, la factrice a remis les gants. Et plutôt deux fois qu’une sous la houlette du trio Gérard Bouffet-Paul Knights-Nicolas Bout. Sa progression s’est révélée fulgurante. « Quand je l’ai prise en main, elle ne savait pas boxer. Je l’ai remise sur les bases de la boxe. On a tout de suite vu qu’elle avait passé des caps. Elle a fait en un an ce que mes athlètes faisaient en dix ans », prolonge Gérard Bouffet.
« Avant, c’était de la bagarre sur le ring », résume l’intéressée avec le sourire. A raison de séances d’entraînement quotidiennes de « deux à trois heures », Mélanie a grandi sur le ring et sans doute mûri au-delà. Le soutien des gens la transcende. « Quand j’ai fait le championnat de France à La Rochelle (le 21 décembre dernier, perdu face à Mégan Ouvrard), mes supporters sont venus en bus, ils ont écrit une chanson… Ça me touche, forcément. » « Mélanie Mercier, j’sais pas si vous connaissez… Elle sort de nulle part… Une frappe de bâtard, on a Mélanie Mercier… » La ritournelle est encore fredonnée par Noah (7 ans) et Thao (5 ans) à la maison.
« C’était la première fois que je le voyais pleurer »
Autant dire que la suite ne sera « que du bonus ». L’ex-salariée de l’abattoir de Ruffec pourra compter sur la présence de son père au bord du ring. Même si « la boxe n’est pas son truc », le patriarche suit les progrès phénoménaux de sa progéniture. Un soir de combat, à Civray, il a même fondu en larmes. « C’était la première fois que je le voyais pleurer… Mon père, je l’ai toujours vu trimer. Le week-end, il partait réparer des voitures de course pour arrondir les fins de mois. On n’est jamais partis en vacances. Il m’a donné l’exemple. »
L’analogie entre vie professionnelle et rudesse du noble art suinte l’évidence. La sociétaire du Club pugilistique de Civray loue au passage la carrière de Sarah Ourahmoune -championne du monde, dix fois championne de France, vice-championne olympique à Rio en 2016-, qu’elle a affrontée à deux reprises en 2009 et 2010. « C’est une fille très accessible, mère de famille, une championne vraiment sympa. » La Poitevine ne rêve même pas d’un tel palmarès, elle dont la carrière est au crépuscule. Un championnat du monde à domicile face à sa « meilleure » ennemie suffirait à son bonheur. « Au moins, je pourrai dire « je l’ai fait », quel que soit le résultat. Je n’ai pas droit de décevoir Gérard, il fait beaucoup pour moi. »
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