Aujourd'hui
Mélanie Mercier. 31 ans. Maman de trois jeunes enfants. Boxeuse au tempérament de feu, licenciée au Club pugilistique de Civray. Espère disputer son premier championnat du monde, le 16 mars, à Poitiers.
« Cette fille, elle est exceptionnelle, je n’ai pas le droit de la lâcher. » Dans la bouche de Gérard Bouffet, ce soir-là, l’émotion affleure. L’ancien mentor de Mahyar Monshipour se dévoue corps et âme pour que Mélanie Mercier puisse combattre, le 16 mars prochain, à Lawson-Body, face à la championne du monde française WBF des poids mi-mouche, Anne-Sophie Da Costa. Une cagnotte est en ligne sur helloasso.com, de manière à récolter les fonds nécessaires à l’organisation du gala. En attendant que la plateforme « fasse le job », la Civraisienne et son entraîneur répondent à toutes les sollicitations histoire d’engranger des soutiens. Ce soir-là, donc, les voilà au milieu des membres de l’association « Elles M86 », à Fontaine le Comte.
« Parler en public, ce n’est pas trop mon truc… », maugrée la jeune trentenaire. Qui se sublime devant l’adversité. « Plus on me dit « tu n’y arriveras pas », plus j’ai envie de prouver le contraire. » C’est l’histoire de sa vie. « Plutôt nerveuse » et « souvent avec les garçons », Mélanie a d’abord préféré l’énergie collective du hand pour se défouler. Jusqu’à ce qu’un coup de poing atterrisse dans le visage d’une adversaire, alors qu’elle joue à Pressac. Elle a 19 ans. Direction la salle de boxe de Civray, sur les conseils de quelques proches. L’énergie qu’on met à taper dans le sac, on ne la met pas ailleurs. Franchement, si je n’avais pas eu de plaisir, je n’y serais pas retournée. »
Une chanson en son honneur
« Grosse bosseuse », selon Gérard Bouffet, la jeune femme a cru devoir raccrocher les gants à la naissance de son troisième enfant. Loane (3 ans aujourd’hui) est née avec une atrésie de l’œsophage. « Elle a passé trois semaines dans le coma. Et après, il a fallu régulièrement l’emmener au CHU de Limoges pour des examens. Franchement, la boxe, je n’y pensais plus, même si ça me manquait. » Loane guérie, la factrice a remis les gants. Et plutôt deux fois qu’une sous la houlette du trio Gérard Bouffet-Paul Knights-Nicolas Bout. Sa progression s’est révélée fulgurante. « Quand je l’ai prise en main, elle ne savait pas boxer. Je l’ai remise sur les bases de la boxe. On a tout de suite vu qu’elle avait passé des caps. Elle a fait en un an ce que mes athlètes faisaient en dix ans », prolonge Gérard Bouffet.
« Avant, c’était de la bagarre sur le ring », résume l’intéressée avec le sourire. A raison de séances d’entraînement quotidiennes de « deux à trois heures », Mélanie a grandi sur le ring et sans doute mûri au-delà. Le soutien des gens la transcende. « Quand j’ai fait le championnat de France à La Rochelle (le 21 décembre dernier, perdu face à Mégan Ouvrard), mes supporters sont venus en bus, ils ont écrit une chanson… Ça me touche, forcément. » « Mélanie Mercier, j’sais pas si vous connaissez… Elle sort de nulle part… Une frappe de bâtard, on a Mélanie Mercier… » La ritournelle est encore fredonnée par Noah (7 ans) et Thao (5 ans) à la maison.
« C’était la première fois que je le voyais pleurer »
Autant dire que la suite ne sera « que du bonus ». L’ex-salariée de l’abattoir de Ruffec pourra compter sur la présence de son père au bord du ring. Même si « la boxe n’est pas son truc », le patriarche suit les progrès phénoménaux de sa progéniture. Un soir de combat, à Civray, il a même fondu en larmes. « C’était la première fois que je le voyais pleurer… Mon père, je l’ai toujours vu trimer. Le week-end, il partait réparer des voitures de course pour arrondir les fins de mois. On n’est jamais partis en vacances. Il m’a donné l’exemple. »
L’analogie entre vie professionnelle et rudesse du noble art suinte l’évidence. La sociétaire du Club pugilistique de Civray loue au passage la carrière de Sarah Ourahmoune -championne du monde, dix fois championne de France, vice-championne olympique à Rio en 2016-, qu’elle a affrontée à deux reprises en 2009 et 2010. « C’est une fille très accessible, mère de famille, une championne vraiment sympa. » La Poitevine ne rêve même pas d’un tel palmarès, elle dont la carrière est au crépuscule. Un championnat du monde à domicile face à sa « meilleure » ennemie suffirait à son bonheur. « Au moins, je pourrai dire « je l’ai fait », quel que soit le résultat. Je n’ai pas droit de décevoir Gérard, il fait beaucoup pour moi. »
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