En 2014, Renaud François et son fils Tom sont partis au Kirghizistan pour renouer des liens distendus. Un voyage initiatique qui a librement inspiré Continuer, un roman de l’écrivain Laurent Mauvignier récemment adapté au cinéma. Mais pour Tom et Renaud, les deux œuvres travestissent leur histoire et son message.
« Une intrusion, un viol. Un vol. » Voilà ce qu’a ressenti Renaud François en découvrant Continuer, le dernier film de Joachim Lafosse montré en avant-première lors du Poitiers Film festival, en décembre dernier. L’histoire d’une mère qui entraîne son fils dans un long périple au Kirghizistan, pour le sortir de sa spirale violente. Leur histoire, à lui et à son fils, Tom. Au printemps 2014, les deux Poitevins sont partis deux mois et demi au Kirghizistan, pour extraire Tom de sa mauvaise trajectoire et nouer des liens filiaux, inexistants jusqu’alors. « Je n’avais jamais réussi à prendre ma place de père auprès de lui, confie Renaud. Tom avait 17 ans, c’était le bon moment pour faire ce voyage. Après, il aurait été trop tard. »
Message travesti
Ils ont d’abord témoigné de leur expérience dans un article du Monde, paru en 2014. Cet article va inspirer un roman de Laurent Mauvignier, Continuer, paru l’année suivante. Même histoire, mêmes lieux… « Je ne suis pas un écrivain à imagination, je suis un écrivain qui va prendre des choses dans le réel (…) Il ne s’agit évidemment pas de me substituer à l’histoire des uns et des autres », s’en expliquait l’auteur, en 2016, sur le site ActuaLitté.
Renaud est tombé des nues. « On ne pensait pas qu’il pourrait prendre toute la structure », raconte le père, remplacé dans le récit par une figure de mère divorcée. L’une des rares libertés de l’auteur, mais qui « travestit complètement notre message », estime le Poitevin de 46 ans. « La place des pères est l’un des problèmes de notre société. C’est avec eux que l’on devient un homme. Je n’ai pas eu cette relation avec le mien et j’en souffrais. »
Quelques mois avant le roman de Laurent Mauvignier, Renaud et Tom racontaient leur expérience dans un livre, coécrit avec Denis Labayle et intitulé Dans les pas du fils. Ils espéraient encore pouvoir le faire au cinéma. L’adaptation sur grand écran de Continuer leur a coupé l’herbe sous le pied. « Ça nous empêche de faire un long-métrage car personne n’ira voir un film qui a déjà été fait. »
« Des scènes sont dans notre livre »
Le film mettant en scène Virginie Efira et Kacey Mottet Klein a fortement déplu à Renaud. « Ils se sont détachés du roman de Laurent Mauvignier. Tous les autres éléments, ils sont venus les prendre dans notre livre. Des scènes sont clairement dans le notre et pas dans celui de Laurent Mauvignier. » Plus que jamais, Tom et lui se sentent dépossédés de leur propre histoire commune. Et ils s’étonnent du silence de la presse.
Renaud a pourtant tenté de discuter avec l’équipe du film. « Mais elle a refusé », déplore-t-il. A quelques semaines de la sortie officielle en salles, le père a décidé de lancer une procédure en référé pour interdire le film. Et être réhabilité de la paternité de son histoire. Mais il a été débouté pour « vice de procédure ». Il en est sorti dépité. « Je me suis retrouvé seul face à cinq avocats, neuf parties assignées… Cela m’a coûté cher. Si on n’a pas les moyens, on se rend compte que la justice n’est pas forcément juste. »
Mais Renaud, son fils et leurs lecteurs savent ce qu’ils ont vécu. « C’est un très beau cadeau que l’on s’est fait. Cela a déclenché une passion pour Tom -l’humanitaire- et une vocation de transmettre. » Père et fils envisagent désormais de monter une structure pour faire vivre une aventure similaire à des pères et leurs fils en conflit. Car dans ces situations de crise, « l’important reste d’impliquer les parents, ils sont les premiers leviers de la transformation de leurs enfants ».
Crédit Photo : Renaud FRANCOIS