mardi 24 décembre
Autocensure, manque d’attrait pour les sciences... Les filles boudent toujours les écoles d’ingénieurs, malgré les efforts de ces dernières et les témoignages de réussite.
Savez-vous que Mileva Einstein a largement contribué à la découverte de la théorie de la relativité restreinte ? Malheureusement, son mari Albert a tiré la couverture à lui. Et, du coup, tout le monde a oublié que cette passionnée de physique et de mathématiques avait intégré l’école polytechnique de Zurich dès l’âge de 21 ans... Au début du siècle dernier, peu de femmes étaient autorisées à faire de longues études. Et celles qui y parvenaient étaient le plus souvent effacées derrière une figure masculine. Heureusement pour elles, les mentalités ont quelque peu évolué au fil des années.
Faire sa place
Deux étudiantes de l’Ecole nationale supérieure d’ingénieurs (Ensi) de Poitiers ont retracé les parcours d’une quinzaine de femmes scientifiques de cette époque pas si lointaine, à travers une exposition présentée récemment à l’Espace Mendès-France. Léa Houssemand (22 ans) et Michèle Gueye (21 ans) ont été surprises de ce qu’elles ont découvert. Contrairement aux idées reçues, elles ne se sentent pas isolées au milieu d’une horde de garçons. Il faut dire qu’à l’Ensi, les filles représentent entre 35 et 40% des effectifs selon les promotions. Moins bien que les écoles de management largement plus féminisées, mais dans la moyenne nationale des écoles d’ingénieurs. « Mes deux parents sont ingénieurs au Sénégal, raconte cette dernière. J’ai toujours su que c’était possible. Si j’ai eu la capacité d’entrer dans cette école, c’est que j’y ai ma place. » Dans le génie civil, univers plutôt masculin, elle devra néanmoins défendre cet état d’esprit quand elle prétendra à un poste. Elle le sait. Idem dans le traitement de l’eau, l’autre spécialité de l’Ensi. Léa, passionnée par son domaine, vient de décrocher un stage dans la régie de gestion des eaux d’un département voisin. Lors de sa première visite, elle a immédiatement remarqué que la seule femme du bureau était la secrétaire... « J’aime ce métier, je ne m’intéresse pas trop à ce que pensent les autres, c’est d’abord ce que je veux faire et ça rendra mes parents fiers de moi », commente cette fille d’employée et d’ouvrier du bâtiment.
16,5% de filles à l’Ensma
Si la situation s’améliore, les filières scientifiques sont encore loin d’atteindre la parité. « Il existe une forme d’autocensure de la part de filles, qui pourraient pourtant très bien réussir », estime le directeur de l’Ensi Poitiers, Jean-Yves Chenebault. Et le phénomène est encore plus prégnant dans des domaines comme la mécanique, la physique ou l’informatique, qui sont justement les spécialités de l’Isae-Ensma. Le taux de féminisation de l’école d’ingénieurs de la Technopole culmine à... 16,5% en moyenne sur les trois ans. « Le problème, c’est qu’on n’y peut pas grand-chose, regrette le directeur des études. Notre recrutement est national, sur concours, et les candidats proviennent essentiellement des classes préparatoires(*) où les filles sont sous-représentées. » Laurent Pérault va dans les lycées, fait témoigner d’anciennes étudiantes, à l’image de la première directrice de centrale nucléaire, Martine Griffon-Fouco. Mais rien n’y fait. L’explication reste floue. Et si ces disciplines intéressaient moins les filles ?
(*)Portes ouvertes des classes prépa de Camille-Guérin, samedi de 9h à 13h.
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