Les cagnottes suscitent l’adhésion

Ces dernières années, les cagnottes en ligne fleurissent sur la toile. Pour toutes les causes, des plus sérieuses aux plus fantaisistes. Plus que jamais, elles témoignent d’une adhésion très forte des contributeurs avec leur objet.

Steve Henot

Le7.info

Ici, le financement réussi d’une salle d’escalade à Poitiers. Là, une collecte de fonds pour soutenir une association locale à la trésorerie fragile… En 2018 encore, des dizaines de cagnottes en ligne ont vu le jour dans la Vienne, histoire de permettre à des projets artistiques, locaux ou solidaires de se réaliser. Helloasso, Leetchi, Ulule… Ce ne sont pas les plateformes qui manquent.

« Cela a toujours bien fonctionné dans la Vienne, où il y a déjà une bonne dynamique locale, observe Thibault Cuénoud, président de jadopteunprojet.com, la première plateforme de financement participatif local et solidaire en Nouvelle-Aquitaine. Ici, il y a un fort effet d’appropriation. » En 2018, dix-huit projets issus du département ont été soumis sur jadopteunprojet.com. Quatorze ont atteint leur objectif. Ces cagnottes ont mobilisé plus de 1 000 contributeurs, pour un total de 82 941€ de dons. Une goutte d’eau sur le milliard d’euros récolté en France la même année par la finance alternative. Le montant a bondi de 39% sur un an, selon une étude publiée jeudi dernier par le cabinet de conseil KPMG et l’association Financement participatif France.

Un côté pratique et affectif

Le succès des cagnottes en ligne ne se dément pas. « Le don est un mode de mobilisation qui a toujours existé, analyse Camille Alloing, enseignant-chercheur à l’IAE de Poitiers. Les cagnottes n’en sont qu’une transposition sur Internet. Et aujourd’hui, faire des transactions en ligne est devenu ordinaire. » Mais cet aspect pratique du don numérique ne saurait expliquer à lui seul un tel plébiscite. Si elles ont d’abord eu vocation à financer des cadeaux, d’anniversaire ou de mariage, les cagnottes visent aujourd’hui davantage à soutenir des causes, plus que des projets. « Nous avons déjà été contactés par des collectifs citoyens qui défendent des causes politiques. Mais nous avons fait le choix de la neutralité », confie ainsi Thibault Cuénoud.

Début 2019, l’actualité a servi de prétexte à la création de plusieurs cagnottes. En témoignent celle en soutien à Christophe Dettinger, le « boxeur de policiers » puis celle, en riposte, en faveur des forces de l’ordre (*). « Ce n’est pas seulement émotionnel, estime Camille Alloing. Le don est comme une signature : il s’agit de montrer que l’on est beaucoup à donner, que l’on donne à produire de la valeur. On démontre un engagement. Cette idée de mettre en visibilité le don sur Internet, c’est cela qui perturbe tout le monde aujourd’hui. » Et qui déstabilise notamment les associations et les fondations caritatives, lesquelles souffrent d’une baisse importante de leurs dons. De 20 à 50% en 2018, selon Florent Gueguen, le directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS). Thibault Cuénoud y voit aussi « une tendance à court-circuiter les intermédiaires. C’est vraiment dans l’ère du temps, de la transparence. C’est ce qui est attractif. »

Camille Alloing rappelle ainsi la nécessité « d’activer le don, de générer des affects », comme à l’occasion du Téléthon. Un effort que les cagnottes spontanées, elles, n’ont pas à faire puisque répondant à une actualité. Quant à la valeur morale à donner à ces dernières initiatives, à chacun de juger. « Internet renvoie l’individu à ses propres choix. »


(*) Cette cagnotte a atteint la somme record de 1,45M€.

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