Karim Laouafi, un civil au pénal

Karim Laouafi. 36 ans le 27 janvier. A grandi à Poitiers. Trace son sillon dans la capitale. Secrétaire de la conférence des avocats du barreau de Paris. Directement impliqué dans plusieurs dossiers liés aux attentats du Bataclan et de Nice. Pianiste à ses heures perdues. Signe particulier : impatient.

Arnault Varanne

Le7.info

A l’image d’un Eugène de Rastignac, il a quitté la province pour s’accomplir à Paris. Mais contrairement au personnage de Balzac, Karim Laouafi ne se définit pas comme un arriviste de la première heure. Tout juste reconnaît-il une forme de « pugnacité » dans son parcours professionnel. Lui qui s’imaginait pianiste a finalement atterri dans le droit. Une première année à Poitiers -« une fac très réputée »- et voilà le gamin de Scorbé-Clairvaux dans le TGV de la réussite direction Paris II-Assas. Jusqu’à ce fameux concours du barreau, qui s’est refusé à lui par deux fois. « Franchement, j’ai eu chaud, sachant qu’on ne peut passer l’épreuve que trois fois. Avec du recul, ce genre de péripéties t’apprend l’humilité. »

Son père d’origine algérienne, grand admirateur de Jacques Vergès pour son rôle dans la décolonisation, aurait adoré la suite(*). Car le bachelier de Victor-Hugo, bac S au rattrapage déjà, s’est efforcé de « rattraper le temps perdu ». Le jeune conseil s’est d’abord fait les dents sur des affaires de propriété intellectuelle, au sein du cabinet de Carine Piccio, l’une des avocates de David Hallyday. Mais son truc à lui, définitivement, c’est le pénal. « Et pour en faire, vous n’avez pas trente-six solutions. Soit vous avez un réseau naturel, soit vous intégrez un gros cabinet de pénaleux, ou vous passez le concours de la conférence des avocats du barreau de Paris. » Laouafi a opté pour la troisième voie, avec succès. Il fait partie des douze lauréats -sur deux cents candidats- de la promotion 2016 de ce concours d’éloquence à nulle autre pareille. L’histoire retiendra que le troisième tour s’est déroulé quelques jours après les funestes attentats du Bataclan.

« Tu existes au sein du Palais »

S’il y a eu un avant et un après 13 novembre 2015 dans le pays, il y a eu un avant et un après 16 novembre 2015 pour le Poitevin. « Quand tu es élu, ta vie professionnelle change du jour au lendemain. Tu existes au sein du Palais, ton rapport aux greffiers change, ton rapport aux magistrats change. Tu accèdes à des affaires auxquelles tu n’aurais jamais pu prétendre avant... » Ainsi, depuis deux ans, Me Laouafi a pris de l’épaisseur professionnelle. Il a fondé son propre cabinet et engrangé beaucoup de dossiers criminels et de « terro » comme il dit. L’un des plus éprouvants est sans aucun doute devant lui. Il assure la défense d’Alex C., l’un des deux assassins présumés de Mireille Knoll, lardée de onze coups de couteau le 23 mars 2018, à Paris. Le lendemain, le Président de la République avait clairement mis en avant le caractère antisémite du meurtre de l’octogénaire. Autant dire que le procès des deux accusés sera escorté d’une lourde charge émotionnelle et d’une couverture médiatique à l’avenant.

« Je ne défends que le criminel, jamais la cause ! »

Sur les traces des Henri Leclerc, Jacques Vergès, Eric Dupont-Moretti et autres Francis Szpiner, « KL » se prépare à cette exposition. Il sait par avance qu’il fera l’objet de menaces de mort, comme ce fut déjà le cas il y a quelques mois. « Que voulez-vous, ça fait partie du métier… » Comme le fait de toujours devoir se justifier sur la défense de quelques prévenus que d’aucuns considèrent comme indéfendables. « Tout le monde l’est, il ne faut pas faire d’amalgames entre le crime et le criminel. Je ne défends que le criminel, jamais la cause ! » Ses précautions de langage sont, hélas, peu de choses par rapport au torrent d’injures dont les robes noires médiatiques font l’objet sur les réseaux sociaux. Heureusement, Karim Laouafi a son violon d’Ingres, en l’occurrence le piano. C’est son refuge, son échappatoire. A ses heures perdues, il joue du Chopin, du Rachmaninov, du Liszt. Du reste, il se produira courant 2019 avec le Palais littéraire et musical, un ensemble de professionnels du droit musiciens et mélomanes.

Le 12 février, il sera par ailleurs l’une des têtes d’affiche d’« A cœur d’avocat », un documentaire à voir sur Arte. Rastignac aurait goûté cette exposition. L’avocat poitevin savoure, mais tempère. Il ne peut s’empêcher de penser que l’histoire d’une vie tient à peu de choses, exemples à l’appui. « L’éducation, et les fréquentations encore plus. » Les siennes lui permettent aujourd’hui d’être du bon côté de « la force ». Avec, qui sait, un jour, un procès d’Assises à Poitiers. Il « rêve » de ce retour aux sources par la grande porte.

(*) Il est décédé en 2010.

 

 

 

 

 

 

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