La maladie de Lyme au banc des accusés

La maladie de Lyme sera au cœur de l’audience du tribunal correctionnel de Poitiers, jeudi 24 janvier. La Pr France Roblot, cheffe du service infectiologie au CHU, a porté plainte contre le président d’une association de patients. Le procès pourrait ranimer la controverse.

Claire Brugier

Le7.info

La maladie de Lyme, due à la bactérie Borrelia et contractée par piqûre de tique, n’est toujours pas parvenue à mettre d’accord les infectiologues français, au grand dam de certains malades contraints à une douloureuse errance médicale. La fiabilité des tests servis en France (Elisa et Western-Blot) et l’existence, ou non, d’une forme « chronique » ou « persistante »  de cette maladie, sont au coeur d’une controverse qui dure depuis plusieurs années, semant la confusion chez les médecins généralistes et les patients. Elle devrait également s’inviter au procès qui se tiendra le 24 janvier prochain au tribunal correctionnel de Poitiers. 

La Pr France Roblot(*), cheffe du service infectiologie du CHU de Poitiers et vice-présidente de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), a en effet porté plainte contre Matthias Lacoste pour des propos que le président ardéchois de l’association Le Droit de guérir a tenus à son encontre sur Facebook. Ce dernier, qui avait mené en juin 2016 une grève de la faim, ne s’en cache : il aimerait profiter de cette tribune « pour sensibiliser l’opinion publique ». « M. Lacoste est à la tête d’une association de patients qui estiment être confrontés à un déni »,explique Me Bernard Benaiem, également conseil des 250 « lymés » qui ont déposé plainte au Pôle de Santé publique de Paris en octobre dernier. 

Aurélie Husson vient de créer une antenne du Droit de guérir en Poitou-Charentes. Cette femme de 46 ans a, l'an dernier, posé seule le diagnostic sur les souffrances qui minent sa vie depuis l’enfance, des symptômes tour à tour diagnostiqués comme relevant de « problèmes psychologiques », « spondylarthrite »,  « fibromyalgie », « sclérose en plaques... ». Sa dernière sérologie est positive. Pour autant l’analyse médicale ne conclut pas à la maladie de Lyme.  « Il y a deux explications possibles, explique le Pr Pierre Tattevin, président de la SPILF. D’une part, beaucoup de tests circulent sans avoir été validés ; d’autre part la présence d’anticorps ne veut pas dire que la bactérie est encore active. »

Là où le Pr Pierre Tattevin parle de « cicatrice sérologique », un autre infectiologue reconnu, le Pr Christian Perronne, signataire de l’Appel des 100 en 2016 (100 médecins réclamant la reconnaissance d’un Lyme chronique) lit une forme persistante de la maladie.« La Borrelia est une bactérie très difficile à isoler en culture. De plus, on teste aujourd’hui trois bactéries alors qu’il existe au moins une dizaine de Borrelia », explique le fondateur de la Fédération française d’infectiologie, qui avance même une comparaison avec le VIH.

Taux de prévalence : 84/100 000 habitants

Face à cette division des experts, l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine a lancé, en 2016, un « plan Lyme », dans lequel elle demandait entre autres à la Haute Autorité de Santé (HAS) d’actualiser ses recommandations sur le sujet, les dernières datant de 2006. Une commission de trente-cinq experts et patients a donc couché par écrit « les bonnes pratiques,en s’appuyant sur la littérature médicale,note Estelle Lavie, cheffe de projet à l'HAS. Il y a énormément d’études mais, en synthèse, le niveau de preuve n’est pas élevé, ce qui laisse la place à des postures différentes. » En juillet 2018, l’HAS a publié ses recommandations, malgré une réserve de la SPILF. « Dans nos recommandations, nous ne reconnaissons pas une maladie de Lyme chronique mais des SPPT (ndlr, Symptomatologie/Syndrome persistant polymorphe). Le diagnostic doit avant tout être clinique. »

La maladie de Lyme était considérée jusque récemment comme« une maladie assez rare » selon l’HAS. Ce qui explique sans doute pourquoi les laboratoires et leur manne financière privée, prégnante en matière de recherche médicale, commencent juste à s’y intéresser.

En France, selon une étude de Santé Publique France publiée en 2018, la prévalence, de 55 cas/100 000 habitants depuis 2009, a connu une nette hausse en 2016 avec 84 cas/100 000 habitants. Aucune étude récente n’a été réalisée par l’Agence régionale de santé sur la Vienne. 

(*) Sollicitée, France Roblot n’a pas souhaité s’exprimer.

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