Hier
Thomas Claverie, 28 ans. Mène de front des carrières civile et militaire. Directeur adjoint de l’Harmonie professionnelle de la 9e Brigade d’infanterie de marine de Poitiers, il est aussi chef de l’orchestre municipal de Chauvigny. Sa meilleure arme ? La musique.
Faire ses classes. Pour Thomas Claverie, c’est plus qu’une simple expression. A 27 ans, tout juste sorti du Conservatoire supérieur de musique de Paris, le jeune homme a réussi l’année dernière le concours de recrutement de l’armée de Terre avec, en point de mire, un poste de direction au sein de la prestigieuse harmonie professionnelle de la 9e Brigade d’infanterie de marine de Poitiers. Mais avant cela, il a dû revêtir l’uniforme de soldat, au sens propre comme au figuré, pendant trois mois, pour une session traditionnelle d’intégration. « Pendant cette période, on a fait des choses qu’un musicien n’imaginerait jamais accomplir un jour dans sa vie, se souvient-il. J’ai troqué mon instrument pour un fusil d’assaut, ce qui n’était pas simple. Psychologiquement, cela demande d’être prêt. Il faut savoir pourquoi on y va. » Lui le savait. Quand on joue du trombone, l’Armée est un débouché professionnel possible. Et puis son arrière-grand-père, Paul Aka, avait dirigé en son temps l’ensemble de la Légion étrangère. L’engagement n’était pas une vocation nourrie durant l’enfance, mais la rigueur et les valeurs militaires ne lui déplaisaient pas. Alors banco ! Depuis six mois, Thomas Claverie mène l’orchestre à la baguette. Mais uniquement sur les concerts civils, le plus souvent à l’invitation des maires de la Vienne et d’ailleurs. Exit les prises d’armes des officiers et les marches militaires.
L’harmonie Peugeot
Dans sa famille, originaire de Sochaux, la musique a toujours été très liée à l’harmonie du personnel des automobiles Peugeot. Son grand-père l’a dirigée, sa mère y a été percussionniste, en plus d’être professeure de chant choral. « Mes oncle et tante sont aussi des musiciens professionnels, mon père a fait du saxophone, mon frère de la trompette, ma sœur du basson. J’ai vécu dedans depuis tout petit, c’était naturel. A 7 ans, j’ai assisté à un concert, les trombones se sont levés en même temps, les pavillons ont vrillé, les coulisses ont bougé. J’ai dit :« Je veux faire ça » ! » Au Conservatoire, il collabore à l’Orchestre national de France, à celui de l’Opéra de Paris ainsi qu’aux philarmoniques de Strasbourg, Mulhouse et d’Ile-de-France. Mais un souci de santé bouleverse cette jolie mélodie. Des douleurs chroniques aux lèvres l’empêchent de souffler dans son instrument de prédilection. Le doute s’installe. Au lieu de tout abandonner, Thomas Claverie passe un diplôme d’Etat en deux ans pour enseigner le trombone. « Je remercie d’ailleurs le Conservatoire de m’avoir octroyé une dérogation pour continuer, en parallèle, à suivre les cours de trombone sans passer les examens. »
« Coup de bouc »
A partir de là, une nouvelle voie s’ouvre devant lui. Pendant son cursus, il fonde un groupe professionnel de trombonistes issus des écoles de Paris et Lyon, puis décroche une place dans l’Armée. Et comme si cela ne lui suffisait pas, ce jeune prodige de 28 ans se porte volontaire pour diriger l’harmonie municipale de Chauvigny, composée de cinquante-quatre musiciens. C’est l’une des plus importantes de la région. Il remplace à ce poste l’emblématique Didier Huchet, parti au bout de trente-quatre années de bons et loyaux services. Autant dire que le défi est immense. Son premier concert s’est déroulé le 17 novembre. « Mon rôle de chef d’orchestre est de mettre en place un programme musical qui s’écoute agréablement. J’ai devant moi l’équivalent d’une table de mixage avec une nomenclature de bois, cuivres et percussions. Je dois faire en sorte que les musiciens parviennent à s’exprimer au mieux. »
Son objectif ? Placer l’ensemble de Chauvigny parmi les trente meilleures harmonies de France dans le palmarès annuel des concours nationaux. De quoi favoriser les partenariats avec d’autres villes à l’étranger et « accroître la notoriété de la commune ». Le challenge est devant lui. D’autant que Thomas Claverie doit mener de front sa double vie civile et militaire. Alterner entre la lecture de partitions et les exercices de tirs au fusil d’assaut. Au passage, savez-vous qu’un musicien d’infanterie a le droit, lorsqu’il tient son instrument, de substituer un geste du menton -le fameux « coup de bouc »- au salut confraternel aux officiers ? Comme un soldat serrant son fusil. Son arme à lui, c’est la musique.
À lire aussi ...