Aujourd'hui
Christophe Honoré raconte ses « Idoles »
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : mercredi 12 décembre 2018Auteur, cinéaste et metteur en scène, lauréat du prix Louis-Delluc 2018, Christophe Honoré était l'invité d'honneur de la dernière édition du Poitiers Film Festival. Sa pièce de théâtre, Les Idoles, est jouée ce vendredi soir au Tap, à Poitiers. Rencontre.
Votre dernière pièce de théâtre évoque la rencontre entre six artistes, vos Idoles, tous morts du Sida. Comment est né ce projet ?
« J’ai écrit une note d’intention qui est le premier texte que l’on entend dans la pièce. Je m’y interroge sur un spectacle de danse de Dominique Bagouet, que j'étais allé voir à Paris lorsque j’étais étudiant. En sortant, j’avais compris que ce spectacle avait été dansé après la mort de celui qui l’avait créé. Et je m’étais dit : « Il doit être mort du Sida. » J’en ai eu la confirmation après. J’ai alors eu le sentiment que les gens dont je pouvais tomber amoureux, artistiquement, étaient tous en train de disparaître et que je ne pourrais pas les rencontrer. Il y avait la mort de Hervé Guibert, puis celles de Jacques Demy, de Serge Daney… J’avais l’impression d’une fatalité. J’ai mis en parallèle ce sentiment-là avec ce qu’il se passait dans la rue, au moment des débats autour du mariage pour tous. Comment a-t-on pu passer de ce traumatisme qu’a été le Sida à des gens qui disent « Les PD au bûcher » ? C’est dans cet esprit que j’ai conçu le roman Ton Père, le film Plaire, aimer et courir vite, puis Les Idoles où j’essaye de me servir du théâtre pour entamer une conversation avec des gens avec lesquels je n’ai jamais pu parler. Ces trois projets sont très liés. Ils sont, pour moi, une manière forte de parler à la première personne. »
Pour mieux porter votre message ?
« Je ne me sens pas délégué de classe pour autant. La représentativité est une vraie question aujourd’hui, je suis très vigilant là-dessus. Si j’ai fait ces trois œuvres, ce n’est pas par hasard. Mais mon travail, c’est de jouer sur l’imaginaire des gens et leur proposer des personnages. La seule prétendue utilité que je peux avoir comme artiste, c’est celle-là. »
Le cinéma, la littérature, le théâtre... Qu'est-ce qui guide vos envies ?
« Le cinéma est très chronophage, cela laisse donc peu de temps pour la littérature. Et c’est compliqué d’arrêter un ou deux ans pour se consacrer à l’écriture d’un roman. Là, l’expérience des « Idoles » va nourrir l’expérience du prochain film, comme « Les Idoles » a été très nourrie du tournage de « Plaire, aimer et courir vite ». Au théâtre, j’aime inventer une pièce avec les comédiens. Je leur distribue les rôles. Après, je définis des thèmes. Puis, on va sur scène et ils commencent à improviser. Les comédiens sont autant auteurs que moi de la pièce. C’est ce que j’aime faire, vraiment, au théâtre. Quand je me retrouve à écrire seul, c’est très différent que d’écrire d’après des improvisations. »
Mardi dernier, vous étiez au Tap pour une « Leçon de cinéma » devant un public d’étudiants, sur le thème de la transmission. Justement, qu’avez-vous cherché à leur transmettre ?
« Le cinéma est souvent le lieu des idoles, surtout lorsque l’on est un jeune cinéphile. A 20 ans, j’essayais de comprendre pourquoi des œuvres m’avaient marqué plus que d’autres, pourquoi elles m’ont donné envie de faire du cinéma et d’écrire… C’est ce qui est intéressant dans l’idée de la transmission. Il y a beaucoup de cinéastes qui ont appris en regardant les films des autres. Je continue à apprendre à faire du cinéma de cette manière, ce n’est pas un apprentissage qui s’arrête. La majorité de mes films sont une réaction à ceux que j’ai vus. Soit parce qu’ils m’ont donné un élan, soit parce qu’ils m’ont accablé. Des cinéastes continuent de m’influencer, comme Pedro Almodovar, Jim Jarmush… Le dernier film de Woody Allen -« Wonder Wheel »- a déclenché l’envie de mon prochain film, que je vais tourner cet hiver. »
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