La révolte des étudiants étrangers

L’Etat veut augmenter très nettement les droits d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers, hors Union européenne. Les frais seraient multipliés au minimum par dix. A Poitiers, on oscille entre incompréhension et colère.

Romain Mudrak

Le7.info

C’est l’un des axes majeurs de la « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux ». Le 19 novembre, lors des Rencontres universitaires de la francophonie, le Premier ministre a annoncé que les étudiants étrangers en provenance d’autres pays que l’Union européenne paieraient des frais d’inscription à l’université plus élevés. La progression n’est pas négligeable. Pour une licence, ils devront s’acquitter de 2 770€ par an, contre 170€ actuellement. Pour un master et un doctorat, la note sera de 3 770€ contre respectivement 243€ et 380€.

« Un étudiant étranger fortuné qui vient en France paye le même montant qu’un étudiant français peu fortuné dont les parents résident, travaillent et payent des impôts en France depuis des années. C’est injuste », se justifie Edouard Philippe sur Twitter. Certes, mais quid des étudiants étrangers moins favorisés ? L’association poitevine Maeva, qui accueille et facilite la vie des centaines d’étudiants internationaux chaque année, tombe des nues. « Quand on fait la sociométrie des nouveaux arrivants, on a très peu d’enfants de ministres africains dans les universités de province, souligne son président, Saturnin Abgofoun.

« Discriminatoire »
Emmanuel, 20 ans, vient du Ghana. Son père retraité n’a pu financer seul le voyage : « Le salaire moyen est plus bas qu’ici. Mes cousins ont participé aux frais. » « Moi c’est pareil, reprend Vivien, originaire du Togo. On a la pression, on n’a pas le droit à l’échec. » Qu’ils se nomment Suzanna, Lordia, Akosua, Ariel, Marcella, Luz ou Germain, tous remettent en cause leur poursuite d’études à Poitiers. « Nous venons en France parce que nous parlons la même langue, l’intégration est plus facile. Mais si la France ne veut pas de nous, nous irons ailleurs », suggère ce dernier. La situation est d’autant plus compliquée que cette revalorisation s’ajoute à d’autres obligations légales incontournables. Avant d’arriver, tous les étudiants étrangers doivent justifier d’un compte bancaire alimenté à hauteur de 6 150€, plus les frais de visa.

L’université de Poitiers est particulièrement concernée par cette annonce car 82% de ses 4 700 étudiants étrangers(*) viennent de pays extra-communautaires. La présidentielle s’est fendue d’un communiqué pour manifester son opposition à cette « mesure de sélection par l’argent » qu’elle qualifie de « discriminatoire ». Maeva et les principaux syndicats étudiants rencontreront les autorités cette semaine pour tenter de faire entendre leur voix aussi fort que possible.

(*)Soit 16% du total des étudiants. Ils constituent 40% des effectifs de Master et 50% des doctorants.

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