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La difficile convergence des luttes
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : lundi 03 décembre 2018Plus de deux semaines que les Gilets jaunes sont mobilisés dans la Vienne. Depuis le début, le mouvement se caractérise par un fonctionnement volontairement sans hiérarchie ni réelle coordination. Et interroge le rôle des syndicats qui habituellement portent la colère sociale.
Ici, une maman qui « survit », seule avec ses deux enfants et 1 000€ par mois. Là, un jeune homme de 25 ans qui s’inquiète déjà de ne pouvoir offrir de cadeaux de Noël à ses proches. Ils sont des « Gilets jaunes » parmi d’autres, à se relayer jour et nuit sur le rond-point de la Main jaune, à Châtellerault, occupé depuis le 17 novembre. Actifs, chômeurs ou retraités, tous peinent à boucler la fin du mois. Alors, ne leur parlez pas des nouvelles taxes, de nouveaux sacrifices… « Cela fait x temps que je ne suis pas allée au cinéma, au restaurant… Où passe l’argent de nos impôts ? Aujourd’hui, nous avons trop de revendications, nous avons été trop gentils », soupire une manifestante.
Dans les rangs, point de syndicat. Certains ne veulent pas en entendre parler. « Ils ne font rien, l’Etat les paye », vocifère un manifestant. En visite dans la Vienne, jeudi dernier, Philippe Martinez a reconnu le dialogue difficile. Mais nécessaire. « Souvent, ce sont des gens qui ne connaissent pas les syndicats. Ils expriment ce ras-le-bol à leur façon, que l’on ne renierait pas à la CGT. Il y a des convergences à faire. Ce mouvement est légitime. » Le secrétaire général de la CGT dit entendre la colère sociale -« depuis le temps qu’on le dit »- mais opte pour la pédagogie. « On invite nos militants à aller discuter avec eux, dans chaque région. Il n’a pas la même couleur, mais nous portons nous aussi le gilet. »
« On ne veut pas de porte-parole »
Encore faut-il trouver une oreille attentive… « Les syndiqués peuvent venir nous soutenir, mais pas pour nous déballer leurs grands discours. On ne veut pas de porte-paroles », assure Julien, un dessinateur en bâtiment venu du Blanc (Indre). Ceux désignés dans le courant de la semaine dernière, au sein même du mouvement, n’ont guère plus de légitimité aux yeux des Gilets jaunes mobilisés. « Je les connais pas, ils ne me représentent pas. »
Sur le rond-point, on prône une unité sans faille, autour des mêmes revendications. Mais difficile de mobiliser tout le monde sur la durée… En particulier dans les commerces attenants, qui font les frais des blocages routiers. Mercredi dernier, les commerçants de Poitiers-Sud se sont réunis pour témoigner d’importantes baisses de leurs chiffres d’affaires, de l’ordre de 30 à 60% par jour, depuis la mi-novembre. « Les Gilets jaunes s’attaquent à la mauvaise cible. Même si le mouvement est légitime, laissez-nous travailler ! Les commerçants ne sont pas responsables », confie le gérant des deux magasins Feu Vert à Poitiers.
Sur place, la tension reste palpable et l’unité, fragile. Comme en témoignent les débordements de samedi soir, à Poitiers-Sud. Plus véhémentes que d’autres, certaines colères se montrent prêtes à exploser à la première étincelle, que les dernières annonces du Président de la République n’ont pas apaisées. « On sent que c’est tendu, même entre Gilets jaunes », murmure Christian, 59 ans. Julien, lui, insiste : « Prenez ce monsieur… On ne pense peut-être pas exactement les mêmes choses, mais on est quand même sur la même ligne. » En somme, continuer à faire bloc, tous ensemble. Dans les rangs, on ne parle d’ailleurs plus de « Gilets jaunes » mais de « peuple français ».
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