Maylin Pultar, 48 ans. Blues woman. Auteure, compositrice et interprète. Originaire du petit village de Saint-Pierre-de-Maillé, cette artiste a osé quitter le confort familial pour exaucer ses rêves aux Etats-Unis, puis à Paris. Aujourd’hui, elle revient à la maison, sereine.
Elle revient au pays. A Saint- Pierre-de-Maillé. De Milan à New York, en passant par Los Angeles, Maylin Pultar a déjà vécu mille vies d’artiste. Mais c’est dans le village de son enfance qu’elle a souhaité s’établir. « J’ai un appartement à Paris et je viens ici aussi souvent que possible car j’ai maintenant besoin de la quiétude de cette campagne pour trouver l’inspiration. » L’ancien bureau de poste magnifiquement restauré est devenu son camp de base, « un lieu où se ressourcer avant d’affronter le monde extérieur ». Au fond du jardin, au bord de la Gartempe, un tipi de plus de quatre mètres s’élève fièrement vers le ciel. C’est là que la blues woman aime recevoir ses invités. « C’est mon défi de l’été. Je ne pensais plus qu’à ça ! Je l’ai construit en une soirée avec mon fils de 7 ans et son cousin de 9 ans. J’ai d’abord dû coudre la toile pendant quatre longues heures... » Maylin Pultar fonctionne ainsi, par obsessions. « Je vis mes passions à fond ou j’arrête tout. Il n’y a pas d’entre-deux. » Son dernier album, sorti il y a tout juste un an, en est un parfait exemple. Naked truth, littéralement « La vérité nue », part d’une « envie d’intensité » avec l’idée irrémédiable de « convertir une énergie en quelque chose qui fait du bien ». La la song s’impose en modèle du genre.
A voir aujourd’hui cette femme au regard affirmé, qui porte au doigt une tête de mort, on imagine mal qu’elle ait dû longtemps combattre une ten- dance maladive à la timidité. Et pourtant. Jusqu’à l’adolescence, elle se trouve dans une parfaite « incapacité à s’exprimer ». D’origine malgache, sa mère (dentiste) lui donne « le goût de la poésie et de la rêverie ». Son père (médecin généraliste) franco-allemand lui transmet celui de « l’audace et du drame ». « Ce métissage a forgé son âme d’aventurière », comme le souligne sa biographie officielle. « Mon père était proche de Gilbert Bécaud, j’allais souvent à ses concerts, ajoute-t-elle. D’une manière générale, mes parents m’ont toujours permis d’accéder à l’art et la culture. Mais j’ai dû partir loin de ma famille pour aller chercher cette personne en moi capable de s’exprimer. »
Rock blues tribal
C’est à Paris que débute son émancipation. A 17 ans, la jeune bachelière intègre sans conviction une école de commerce. Elle tente un casting organisé par une agence de mannequinat pour se faire un peu d’argent. Bingo ! Son talent l’envoie à Milan. En parallèle, cette cavalière de bon niveau prend des cours de théâtre. « Un jour, j’ai dû jouer la colère. Ce fut comme une thérapie. » Elle décroche en 1991 un second rôle dans La Reine blanche avec Catherine Deneuve, avant de suivre son « premier grand amour » à New York. Là-bas débute sa carrière de chanteuse. Au début, ses cours de chant l’inclinent à bien placer sa voix de comédienne. Mais très vite, elle se prend au jeu. « Au théâtre et au cinéma, j’exprimais des choses personnelles à travers les textes des autres. A 30 ans, j’ai voulu être mon propre personnage. Pour y arriver, ma voix était ce que j’avais de plus intime. » Cette quête de sens, beaucoup de gens l’entreprennent. Mais une infime partie finit par se produire au célèbre « Whisky à gogo » de Los Angeles, berceau des Doors et d’Alice Cooper.
En 2005, Maylin Pultar sort son premier album aux Etats-Unis, On my way to see you. A ses côtés, elle a Omar Torrez, guitariste de Tom Waits, et le percussionniste de Ben Harper, David Leach. Deux influences importantes. Elle qualifie son style désormais affirmé de « rock blues tribal » avec des sonorités africaines. De retour en France en 2007, elle poursuit son aventure artistique en tant qu’auteure, compositrice et interprète. Un album, des dizaines de festivals et des centaines de concerts plus tard, elle rejoint les « stylomaniaques », l’atelier d’écriture du fameux Claude Lemesle, le parolier de Joe Dassin (L’été indien, Et si tu n’existais pas, A toi...). L’anglais n’est alors plus sa seule « langue créative naturelle ». Avec « The Mad Machine », elle a trouvé sa « tribu ». Alexandre Sacleux est à la guitare électrique, Ricardo Garatea aux percussions, Julien Droz-Vincent à la basse et Sébastien Tytgat à la batterie. En août dernier, le groupe s’est produit au Gartempe Blues Festival de Saint-Savin pour un nouveau retour aux sources. Le 9 mars, elle sera à Angles-sur-l’Anglin. « J’interviens aussi auprès des élèves de l’école de musique de Saint-Pierre-de-Maillé », confie l’artiste. Une manière de transmettre. Sur son dernier album, le titre I wish évoque cette volonté implacable d’exaucer ses rêves, même quand ils paraissent inaccessibles. « J’aimerais donc je peux » est le leitmotiv de cette fille partie sans rien d’un petit village du Sud-Vienne et qui vit aujourd’hui de son art.