Aujourd'hui
Selon le dernier rapport de l’Observatoire de la sécurité des médecins, le corps médical serait de plus en plus victime d’actes de violence. En 2010, trois cas ont été officiellement déclarés parmi les libéraux de la Vienne. Mais la peur de l’aveu et la résignation taisent bien des maux.
Le rapport de l’Observatoire national de la sécurité des médecins est édifiant : les actes de violences à l’égard des professionnels de santé auraient quasiment doublé en un an sur le territoire national (512 cas officiels en 2009, 920 en 2010).
Avec trois déclarations d’incidents, la Vienne est certes encore bien loin des pics de sinistralité enregistrés en Seine Saint-Denis (79) ou dans le Nord (70). Mais le phénomène est prégnant et ne laisse pas d‘inquiéter. « Les faits de violence, verbale et physique, sont hélas devenus monnaie courante, regrette le généraliste Philippe Boutin, président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS). La distance entre le médecin et le patient s’est réduite et le respect s’est évaporé. Et je ne vous parle même pas des insultes dont sont victimes nos secrétaires. Beaucoup vivent dans la peur. » Rien que ça ! « Dans certaines disciplines, comme l’ophtalmologie, où les délais de rendez-vous sont très longs, les injures sont rituelles. »
Qu’on se le dise, la société transpose progressivement ses déviances dans les cabinets et les salles d’attente. « Il ne s’agit pas de faire de la sinistrose, éclaire l’Agence régionale de santé. Mais force est de reconnaître que le milieu médical est aujourd’hui obligé d’absorber les tensions sociales et l’individualisme. Quand le patient estime que son cas doit passer avant tous les autres et que le médecin ne peut accéder à ses demandes, l’affrontement est souvent inéluctable. »
Les urgences portent plainte
Il n’en reste pas moins qu’une majorité de professionnels se refuse à franchir le pas du judiciaire. « Par crainte parfois, par manque de temps souvent, par indulgence régulièrement, convient Philippe Boutin. Moimême, je me suis fait dérober 300€ en novembre dernier et des chaises dans ma salle d’attente. Eh bien, j’ai laissé faire. Peut-être à tort, mais j’ai laissé faire. »
Régulièrement exposées aux incivilités, les urgences du CHU adoptent, elles, une position différente. « Nous encourageons autant que possible nos collaborateurs agressés à porter plainte, explique le responsable du service, Jean-Yves Lardeur. Notre «clientèle» est très éclectique. La douleur du traumatisme, l’impatience et aussi, dans bien des cas, l’alcoolisation, constituent de vrais socles de débordement. » Une plainte par semaine est déposée au commissariat ou à la gendarmerie par les agents des urgences. Ici pour une dent cassée, là pour des côtes enfoncées. « Se taire ne fait que renforcer les angoisses », assène Jean-Yves Lardeur.
Sans doute les libéraux devront-ils se résoudre à suivre l’exemple. Pour ne pas être usés avant l’heure.
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