Hier
David Galantin. 36 ans. Non-voyant. l’animateur des « Yeux grands fermés » au Futuroscope entend juste « mener une vie normale ».
Nous lui avions donné rendez-vous place Charles-de-Gaulle. Il nous y a rejoint en bus. De Jaunay-Clan où il habite. Sans rechigner sur ce choix. Sans se réfugier derrière l’excuse du handicap.
David Galantin est non-voyant et a appris à « faire avec ». « Je demande au chauffeur de me prévenir lorsque je dois descendre, glisse-t-il. Il faut juste espérer qu’il ne m’oublie pas. »
David préfère rire de ces situations. Un temps, il a voulu remuer ciel et terre pour faire entendre la cause des non-voyants. Il a depuis mis le holà sur son investissement associatif. L’amélioration de sa condition ? « Pas vraiment. » La résignation ? « Encore moins.» Aujourd’hui, il aspire à se laisser vivre. Et privilégier « l’instinct de l’instant ». « Je ne me suis jamais mis de barrière », explique-t-il. Sa devise : carpe diem. Écouter ses envies, réfléchir ensuite. Ses préceptes peuvent chagriner les mornes normes de notre société. Lui s’en est affranchi depuis belle lurette. ??
D’une ville à l‘autre
L’évidence se fait jour : David a la bougeotte. La même qu’autrefois, lorsque ses études s’apprêtent à façonner sa vie. Ainsi, ses premiers pas universitaires à Montpellier tournent court. Car David profite d'un service d'échanges pour partir, un an, aux Etats-Unis. A l’université de Knoxville, Tennessee. « Je me suis retrouvé au rattrapage à la fin de mon année de maîtrise AES, rappelle-t-il. Je n’y suis jamais rendu... Pour la bonne raison que l’année universitaire américaine débutait en août et que ces rattrapages étaient programmés en septembre. Il n’y a pas eu de choix à faire. »
L’escapade outre-Atlantique s’impose d’elle-même, mais ne laisse pas un souvenir impérissable. « Je suis arrivé là-bas avec l’envie de découvrir ce pays aux mille visages, mais en suis reparti sans le moindre regret. Je me suis fait à l’idée que je ne pourrais y vivre très longtemps. »
Retour logique sur ses terres d’origine. La Cité des Gaules, à deux pas de sa Franche-Comté natale, l’accueille à bras ouvert. Il y vit trois ans, la durée d’un cursus à l’Institut d'études politiques. « Si je n’ai pas eu mon diplôme, j’ai retiré de nombreux bénéfices de cette période. Cette formation m’a permis de faire fructifier mon bagage culturel. »??Il l’enrichit au-delà dans un nouveau port d’attache, Nantes. C’est là, sur les bords de l’Erdre, qu’il finit par valider la maîtrise prématurément abandonnée. « À cette époque, j’ai envisagé de passer les concours administratifs, avec l’ambition de travailler pour l’Union européenne. Sauf que… »
Futuroscope, nouvel arrêt
Sauf qu’un jour, il tombe sur une annonce Internet. « Le Futuroscope cherchait des non-voyants pour animer sa nouvelle attraction : Les yeux grands fermés. J’ai répondu en sachant que je n’avais aucune expérience dans le domaine. »
Le « Parc » est pourtant séduit. Et l’engage. En 2005, à la trentaine sonnante, David refait son baluchon. Pour l’inconnue d’une aventure inédite. Cinq ans après, il mesure le chemin parcouru. Il pèse ses mots, sourit à la sincérité et la truculence des questions enfantines, mais évite de s’appesantir. Pudique notre homme ? Suffisamment pour ne pas aller plus loin dans la confession de ses implications professionnelles. Le naturel, lui, revient au galop. Courant au devant des souvenirs et notamment d’un voyage récemment effectué au Sénégal. « Les rencontres humaines y ont été extraordinaires », s’émerveille-t-il.
On comprend enfin où il veut en venir. Être non-voyant n’est certainement pas une fatalité. David ne demande qu’à mordre la vie à pleines dents. Comme tout un chacun. A l’ombre des différences.
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