mardi 24 décembre
Marc Conruyt. 42 ans. Colonel de l’Armée de Terre. A pris jeudi la succession du Colonel François Labuze comme Chef de corps du Régiment d’Infanterie Chars de Marine.
Les vocations ne naissent pas toujours dans le ruisseau de l’enfance. Elles savent parfois aussi se laisser guider par les flots de l’expérience. Marc Conruyt, lui, s’est fait homme sur le tard, porté par le tourbillon de l’audace. D’une volonté, aussi subite qu’insoupçonnée, de s’initier à l’art militaire. “Je ne saurais dire ce qui m’a poussé à forcer le verrou, mais quand j’ai dit à mon père que je voulais intégrer Saint-Cyr L’Ecole, j’ai su que ma vie allait changer du tout au tout.” C’était au milieu des années 80. Un quart de siècle plus tard, le nouveau Chef de Corps du Régiment d’Infanterie Chars de Marine mesure avec fierté le chemin parcouru. “Je n’ai aucun regret. Il n’y a pas de tradition militaire dans ma famille. Aussi ne savais-je pas ce qu’allait m’apporter l’armée. Je n’ai pas été déçu.”
“Une grande et belle famille”
“Gamin facile à vivre mais frisant l’hyperactivité”, sportif accompli, Marc Conruyt ne s’est finalement découvert qu’au seuil de l’âge adulte. Dans le cénacle des officiers balbutiants, son corps à corps avec la rigueur et la discipline s’est vite mué en révélation libératrice. Rien, des us et coutumes de cette armée en mouvement, n’a depuis échappé à sa soif d’apprentissage et de découverte. “On n’est jamais que le produit de l’expérience des autres”, lâche-t-il complaisamment. L’aveu se gonfle des relents de la sincérité.
Ses vingt ans de carrière n’ont d’ailleurs été bercés que par ce souci de l’échange, du dialogue et de la fusion avec ses pairs. Sa nomination à la tête du régiment le plus titré de France va dans le sens de cette obsession. “Deux fois, par le passé, j’ai servi sous les couleurs du RICM. Il ne m’a pas fallu longtemps pour éprouver l’atmosphère particulière de ce régiment. Ici, c’est une grande et belle famille.” Une famille avec laquelle il fit autrefois ses classes de lieutenant chef de peloton, avec des missions sur le terrain de l’opération Daguet, en Arabie Saoudite et en Irak. “Nous étions alors basés à Vannes, rappelle-t-il. Puis je suis revenu en 2002, ici, à Poitiers, au bureau de l’opération instruction.” En attendant de se distendre vers d’autres conquêtes, une grande boucle est désormais bouclée.
Son plan de carrière lui offre aujourd’hui l’opportunité d’une première prise de commandement, avec la reconnaissance de la Nation signée de la main même du Président de la République. “Oui, on peut dire que j’ai attendu tout ce temps pour ça, sourit Marc. Pour me mettre au diapason de mille hommes débordant de passion et d’enthousiasme. Mieux les connaître. Vivre leurs joies et leurs souffrances.” Pour le colonel Conruyt, les clivages de la hiérarchie sont des faux-semblants. “Je vais être leur chef, mais j’aimerais surtout faire partie des leurs. Une sorte de grand frère qui pourra transmettre l’essencemême de ce qu’il appris au contact de ses aînés. Ce vœu d’éducation, au sens noble du terme, est mon guide.”
“Cohésion, respect, entraide”
Joséphine Baker avait deux amours. Conruyt le Picard s’en reconnaît bien davantage. Presque autant que le nombre de barrettes plastronnées sur son coeur. Son épouse américaine, rencontrée… à Djibouti, pourrait témoigner que l’Armée est une maîtresse accaparante. Que les mutations incessantes et les missions de soutien ou de guerre sont des fardeaux parfois lourds à porter. Mais elle- même et ses quatre enfants ont aussi compris que leur mari et père ne pourrait vivre sans la sueur de l’engagement et la chaleur des rencontres. “J’ai souvent discuté avec ma femme de ce que j’aurais pu faire d’autre dans la vie. J’ai toujours admiré les grands bâtisseurs. Mais ce n’est pas ma prétention. Alors je construis ma petite vie, pas à pas. Avec la seule ambition de rester dans le droit chemin et de faire honneur aux valeurs de cohésion, de respect et d’entraide que je défends. Je pense que cette finalité-là va m’accompagner jusqu’au bout.”
Ses cinq galons de colonel de l’Armée de Terre, Marc Conruyt les a gagnés sur le terrain de la persévérance et des confiances partagées. Entouré de ses marsouins dévoués, il ne sera pas pris au dépourvu. “J’ai la chance, explique-t-il, de succéder à François Labuze que je connais depuis longtemps et qui a la même philosophie que moi. Tous les gars ici font tourner la boutique à merveille. Je ne vais rien révolutionner, tout juste m’appuyer sur eux pour consacrer du temps à mes hommes et perpétuer la flamme d’un régiment irréprochable.” Ce régiment-là essaimera bientôt au quatre vents. En octobre au Tchad pour une mission de quatre mois, en Afghanistan ensuite, pour une période bien plus longue. A la barre, le Colonel Marc Conruyt fera front dans les tempêtes. Au côté de ses troupes. Là où il a finalement toujours rêvé d’être.
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