mardi 24 décembre
Odile Chauvet. 63 ans. Trait de caractère : forte en… caractère. Signe particulier : a marqué son double engagement politique et sportifv du même sceau de la sincérité.
Rebeilleau morne plaine. Le hall d’accès aux vestiaires s’est vidé des ruades dégoulinantes des centurions de l’ovalie. En ce début juin, seule la relève de l’athlétisme départemental joue encore de la pointe. Les couloirs se sont tus, mais au mur, l’histoire, elle, donne toujours de la voix. “Cette plaque, c’est moi qui l’ai voulue.”
Dans le marbre, les noms des présidents successifs du Stade poitevin omnisports offrent leurs ciselures empoussiérées à la postérité. Le nom de Chauvet y apparaît une première fois plein cadre. “Louis, mon père, qui fut autrefois maire de Mignaloux, a officié ici de 1945 à 1948. Et moi, je suis née entre les deux, en 1946.” Sur la dernière ligne, une case manque. “Odile Chauvet : 1999 – ?” Au-delà, il n’est même plus de place pour envisager la moindre incrustation. “Quand on l’a posée, j’ai rouspété - une vielle habitude – car elle donne l’impression que je n’aurai jamais de successeur. C’est là que Jacques Santrot m’a dit : « C’est que vous êtes irremplaçable, ma bonne Odile. »” L’ancien maire de Poitiers, “ami sincère” malgré les dissonances politiques, ne pouvait mieux résumer le sentiment général. “Ma bonne Odile” est comme cette plaque exiguë : à l’épreuve du temps. Presque indestructible. Défiant la bourrasque comme la pierre l’usure.
Bénévole pour toujours
Quiconque a la chance de connaître Madame Chauvet sait que le combat a été son fil rouge. Se savait-elle née pour lutter contre les vents contraires ? Il est plus raisonnable de penser que c’est son chemin de vie, atypique et chahuté, qui a fini par lui tailler à un costume à sa mesure. De ses premiers élans sportifs, susurrés dès l’âge de 18 ans sur les pistes de ski et les terrains de tennis, au sacerdoce stadiste, la volonté de l’engagement n’a cessé de façonner le caractère d’Odile Chauvet. Celui d’une femme forte en gueule et exigeante, mais indéfectiblement juste et humaine.
De toute son existence suintent la droiture et la fidélité. Son parcours d’arbitre officiel de tennis, qui la conduisit à maintes reprises sur l’ocre de Roland-Garros et lui confère encore de nombreuses amitiés. Ses études de juriste, “qui m’apprirent à me mettre à l’écoute pour mieux trancher.” L’accompagnement jusqu’à la mort de ses parents adorés, seule fêlure encore apparente de sa carapace. Ou encore son attachement ad vitam æternam à la bannière du Parti
Républicain, suggéré il y a bien longtemps par son ami d’enfance, Jean-Pierre Raffarin. “Oui, je suis fidèle”, assène-telle. Comme à ce compagnon dont elle partage depuis quarante ans le quotidien et dont elle ne portera sans doute jamais le nom. Cette fidélité est un moteur. Jamais Odile ne la reniera. Pas même lorsque l’heure de la retraite aura sonné. Dans deux ans et demi, ses missions de fonctionnaire territorial et de secrétaire politique du groupe UMP au cabinet du maire de Poitiers seront remisées au placard. “Bah, j’irai toujours les voir, sourit-elle, et, s’il le faut, travailler avec eux.” Surtout si son oeuvre au Stade poitevin se perpétue. “On verra bien. De toute façon, ce qui est sûr, c’est que le bénévolat survivra à ma carrière professionnelle.”
L’apôtre du dialogue
Le fauteuil de son petit bureau de Rebeilleau ne semble donc pas encore promis à un (ou une) autre. D’ailleurs, ils ne sont pas nombreux à se bousculer au portillon. Il est vrai que l’héritage s’annonce déjà lourd à porter. De la descente aux enfers du foot, à son arrivée aux manettes, aux querelles intestines du rugby cette saison, sainte Odile a tout enduré. Tout vu. Tout entendu. Et… toujours agi, avec discernement et patience, dans le sens des intérêts généraux. Le respect qu’elle inspire tient sans doute à cette ligne de conduite. Car entre dialogue et compromission, elle n’a jamais eu à choisir. “Ce sont ce dialogue et le travail de l’ombre d’une poignée de gens altruistes et courageux qui finiront par exemple par sauver le rugby, lâche-t-elle avec conviction. Ce sont ces mêmes vertus qui éviteront à n’importe quelle section du club omnisports de mal vivre ou de disparaître.” Tant qu’elle sera là, le Stadesaura donc à quoi s’en tenir. Elle hausse le ton. “J’ai dit à tous mes présidents que je ne voulais pas avoir de danseuses à la tête de nos sections. Ils sont tous au courant que j’attends d’eux qu’ils bossent et que le premier qui me fera une crasse aura affaire à moi.”
La plaque de marbre des couloirs de Rebeilleau laissera un jour apparaître une nouvelle date ciselée. Odile Chauvet appartiendra alors définitivement à l’histoire du Stade. Elle en a déjà écrit l’une des plus grandes et belles pages. A l’encre, indélébile, de la justice et du franc-parler.
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