Aujourd'hui
Jean-Luc Loiret. 63 ans. Ecrivain philosophe. Joue avec les mots comme un funambule avec sa corde raide. Parodie la vie en la bouffant à pleines dents.
Au fronton de sa maison vouneuilloise, Jean-Luc Loiret annonce gaiement la couleur. “Ici, vous entrez chez un sportif.” La silhouette du bonhomme traduit mal l’origine du moteur. Du haut de ce corps longiligne, modelé par tant et tant d’années de pratique du foot et de la course à pied, soixante-trois printemps vous contemplent. Pour sûr qu’il ne les fait pas. “Et pourtant, je ne me contente plus que de deux sorties d’une heure trente par semaine”, sourit celui qui, pendant quinze ans, présida aux destinées des Fondus et des foulées de Vouneuil-sous-Biard, plus grand rassemblement de cavaleurs de la Vienne. Ses records de 3h06 au marathon et 1h19 au semi sont aujourd’hui empoussiérés, ses après-midi entiers passés sur ou en bord de terrain, à courir le ballon rond, définitivement rangés dans la galerie de ses impérissables souvenirs. “Quand le corps dit stop, il faut savoir l’écouter.”
Sceptique convaincu
Et ça, Jean-Luc sait le faire mieux que quiconque. Ecouter. Observer. Et battre en brèche les idées reçues. Toutes ces scories qui dénaturent l’humain et transgressent l’idée même de la liberté d’expression. “Le doute est légitime, serine-til. Toute ma vie, j’ai douté et doute encore de tout ce que l’on me rapporte. Je l’avoue même aux autres : ne croyez pas ce que je vous dis. J’ai en horreur ceux qui prétendent détenir la vérité. Douter, de soi et des autres, c’est avancer.” Dans sa bonne cité de Vouneuil, où il officie comme élu depuis quinze ans (ndlr : il est actuellement adjoint chargé des Sports, des Associations et des Loisirs), ou à la Cap, où ses prises de position sur la LGV ont fait grincer plus d’une dent, Loiret le rebelle est connu comme le loup blanc. “Parce j’ai le malheur de toujours poser la question qui fâche, de titiller et de demander réponse”, lâche-t-il d’une voix sereine.
Le gaillard est joueur par nature, explorateur des êtres et des âmes. La dimension philosophique de son existence n’est pas une échappatoire. Elle est son exultation. Dans la caverne de Platon, l’ancien prof pour malentendants – trente ans à l’institut régional des jeunes sourds, ça vous forge un homme ! – aurait assurément pu puiser la substantifique moelle de ses réflexions d’adulte cérébré. Il y a peut-être songé en commençant, tout jeunot, à coucher sur le papier petites satires et autres “vagabondages spirituels”, à jouer avec les mots pour mieux exorciser les maux. “Encore une fois, je suis un sceptique convaincu. J’ai toujours aimé écrire sur ma vision du monde, de la société, de ses déviances. J’apprécie la langue, le pamphlet, les petites chroniques sur l’air du temps, les piques amicales.” Ça le fait rire et ça lui libère l’esprit. Heureux homme !
Depuis sa retraite, en 2006, Jean-Luc est resté fidèle à ses primes amours. Le polar qu’il s’était promis d’écrire, “On ne meurt jamais par hasard”, est né. Il vient même d’en parapher un second, aux éditions Le Geste noir, titré “La Chute d’un flic poitevin”.
Venturini mène l’enquête
Après Vouneuil, c’est Poitiers qui sert la trame d’un scénario phagocyté par la transformation de pierres, de quartiers et de monuments en personnages. “Là encore, je joue. Avec les lieux, avec le lecteur, en l’emmenant dans des poursuites endiablées, en l’incitant dès le départ à deviner qui a fait quoi et en le manipulant jusqu’à l’épilogue.” Ce roman psychologique, porté par le commandant-philosophe Venturini et ses deux acolytes, les lieutenants Isabelle Pontreau et le “tombeur” Bruno Chalais, est sorti dans les bacs il y a tout juste un mois et a été édité à 5 000 exemplaires.
Un troisième opus est déjà en gestation. “Je pense que je vais l’intituler « La Vengeance du cochon »”, prévient l’auteur. L’intrigue, qui a à ce jour noirci une centaine de pages, espère faire passer les coupables pour des innocents et les innocents pour des coupables. Rappelant à qui ne l’aurait déjà compris que la vie et l’oeuvre de Jean-Luc sont un immense terrain de jeu.
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