mardi 24 décembre
Abdelaziz Masrour, 38 ans. Quatorze ans d’animation à la MJC Aliénor d’Aquitaine. Une foi inébranlable dans son métier. Un esprit sain dans un corps sain. Portrait.
Il ne change pas. Le temps glisse sur lui comme la pluie sur la façade de la vénérable Maison des jeunes et de la culture des Couronneries. Son sourire empreint de sérénité et son look de “rasta” intact trahissent à peine le poids des années. Et pourtant, Abdelaziz Masrour, alias Aziz, joue les prolongations dans le quartier. A l’heure où d’autres ont quitté le navire, lui fait figure de taulier. Une sorte de grand frère perpétuel ? “Je n’aime pas trop ce terme... Je me considère plutôt comme un adulte référent, pas carriériste pour un sou.” Aux ados qu’il encadre, l’éducateur répète à l’envi cette maxime orientale : “celui qui te dépasse d’une nuit te dépasse d’une ruse”. Autrement dit, à lui l’autorité !
Aziz ne transige pas avec le respect, même s’il constate que “certains jeunes se croient tout permis”. Loin de lui l’idée d’entonner le couplet de la nostalgie. “Disons que les problèmes des ados d’hier interviennent plus tôt aujourd’hui...” Mais l’animateur de la MJC tire sa légitimité de son ancienneté. Aux Couronneries, tout le monde le connaît, le respecte, lui accorde sa confiance. Avec lui, pas la peine d’endosser le costume de la victime du système. Il “déteste” et met les jeunes “en face de leurs responsabilités”. Question d’éducation sans doute.
Discipline et liberté
Avant de débarquer dans l’Hexagone en 1990, ce diplômé de Langues étrangères appliquées -il parle l’anglais, l’allemand et l’arabe avait reçu en héritage du paternel une solide éducation basée sur des valeurs strictes. Le paternel en question officiait dans la gendarmerie marocaine... “L’esprit de discipline” ne l’a jamais quitté mais, en même temps, souffle dans ses dreadlocks un furieux vent de “liberté et d’indépendance”. Un cocktail inapproprié ? Pas une seconde !
Partout où il passe, Aziz imprime sa marque de fabrique. Dans le sport, tiens. Hier au CEP Poitiers, aujourd’hui à l’ES Trois-Cités, l’éducateur rabâche le même discours. “Ce qui m’intéresse, c’est d’apprendre aux gamins à bien se comporter sur un terrain, à jouer avec les autres. Le truc dont je suis le plus fier, c’est d’avoir gagné le challenge du fair-play une année.” Evidemment, l’ancien footeux “de niveau District” s’est pleinement épanoui dans l’arbitrage.
L ’afrique et la musique
Au centre du terrain ou sur un couloir de touche, Aziz y a laissé quelques années (12) et d’excellents souvenirs. Au point d’inciter certains de “ses” ados à endosser la tunique noire. Mais aujourd’hui, son horizon dépasse de loin le rectangle vert et les barres d’immeubles du quartier. Sans négliger son quotidien urbain, l’intéressé lorgne l’Afrique et “les enfants du désert”. “J’ai toujours été attiré par ce continent, la curiosité me pousse à chercher ce dont les mômes de là-bas ont besoin et à les aider si possible.” Entre décembre 2009 et janvier 2010, ce voyageur au long cours a ainsi posé ses valises au Mali pendant un mois. Le temps de s’imprégner du dénuement local, de la vie privilégiée de ses minots poitevins.
Si seulement ils savaient... Sans tapage, Aziz parraine aujourd’hui dix gamins de la rue pour leur offrir un semblant de scolarité. Promis, il retournera bientôt au Mali avec une “mission plus concrète”. En attendant, le pilier du groupe musical poitevin “Noujoum Gnawa” -il joue des percussions traditionnellescontinue d’endosser le rôle du “grand frère”. Euh, pardon, de l’adulte référent. Qu’importe la sémantique, pourvu qu’il y ait le respect. Ici, tout le monde l’appelle Aziz. Et ce n’est pas près de changer...
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