mardi 24 décembre
Toute la vie de Jean Abbad a été guidée par le credo de l’ “altruisme pédagogique”. A 71 ans, le président départemental de La Croix-Rouge a atteint son Graal.
La pose s’est depuis longtemps figée dans la décontraction. Le fauteuil a lui littéralement fondu sous le poids des souvenirs en appel. Seules quelques photos au mur osent désormais transgresser le rythme endiablé de la confession. Des pans entiers de la vie de Jean Abbad s’y racontent en images.
Le football, stoppé à la cinquantaine du côté de Saint-Raphaël. Les chiens, compagnons fidèles du quotidien. La présidence d’Amédiaf, action médicale en Afrique, lâchée en 2009. Et cette vue d’un petit village kabyle haut perché. C’est là, sur une terre aride et pauvre, blottie dans les contreforts de l’immense Djurjura, que le petit Jean sourit à la vie. Là qu’il perd sa maman, à l’âge quatre ans. Là qu’il s’initie aux délices de l’enseignement, dans le sillage de son père, instituteur et directeur d’école. Là que le souffle de la pédagogie dépose ses premières caresses sur ses frêles épaules. “Jamais plus ce devoir de transmettre et d’aider ne m’a quitté.”
Jean Abbad assure ne jamais avoir manqué d’affection dans sa jeunesse. Il l’a depuis rendue au centuple. Ses origines modestes lui ont forgé cette certitude qu’il lui fallait se battre pour s’en sortir. Il se bat. Mais en érigeant le respect de l’autre et la main tendue au rang de nécessité vitale. Il n’hésite pas à l’avouer, “l’école républicaine a été le terreau de mon engagement humanitaire”. Elle sera son guide pendant cinq ans en Algérie, pendant dix autres en France, à son arrivée dans le Val de Marne. Il s’en détourne pourtant, la trentaine venue. Plus par hasard que par obligation. “J’ai tenté le Capes et j’ai échoué, se remémore-t-il. Dans le même temps, j’ai dû assurer mes arrières, en passant deux diplômes. L’un d’études de services économiques, l’autre d’administration publique.” Succès sur toute la ligne.
L’école républicaine ne serait dès lors plus jamais un terrain de jeu. Une révolution est en marche, qui conduit rapidement le nouvel inspecteur de l’action sanitaire et sociale au chevet de l’institution hospitalière. La révélation est totale. L’Ecole nationale des hautes études de la santé ne résiste pas à son envie d’apprendre et d’évoluer. Les hôpitaux de Gien et Montargis dans le Loiret, Fréjus-Saint-Raphaël, dans le Var, font bientôt connaissance avec un directeur affable, droit mais déterminé. “Le moment est alors arrivé de faire un choix de fin de carrière, insiste notre homme. Un ami poitevin m’attendait les bras ouverts. Je n’ai pas hésité.”
En 1986, Abbad-le-montagnard débarque au CHU de la Milétrie. Huit ans à la DRH, trois à la direction, sept autres à la tête de Pasteur… Il coupe. “J’avais commencé par l’enseignement aux jeunes, j’ai fini par le soutien aux personnes âgées, la boucle était bouclée.” Jean Abbad a quitté le navire médical en 2003. Mais son oeuvre se poursuit. Dans d’autres cours de récréation, dans le jardin de l’altruisme, fil rouge d’une “vie riche et belle.” Sur son bureau, le bouquin de son maître à penser, Jean- François Mattéi, patron de La Croix-Rouge Française, résume son sacerdoce : “Humaniser la vie, plaidoyer pour le lien social.” Donner aux autres a nourri la démesure de Jean Abbad. Il ne saurait y déroger la retraite venue. Les présidences d’“Allô Maltraitance 86”, fondée en 2002, de La Croix-Rouge départementale et d’Amédiaf, martèlent son entêtement à lutter. Contre les injustices. Le mal-être. L’abandon. Son combat est patient et jalonné de défaites. Mais il s’accroche. “La société a changé, l’acte bénévole doit lui aussi changer et se fédérer, tente-t-il de convaincre. S’il ne le fait pas, toutes les actions du monde seront des coups d’épée dans l’eau.”
Abbad “l’apaisé” est un torturé de l’avancée constructive. Il rêve d’un monde meilleur. D’une société plus juste. Dans son esprit, les projets se bousculent . Le prochain ? Un pôle social inter-associatif, capable de favoriser “le rapprochement entre les bénévoles de même confession humanitaire.” Le 22 avril, à Buxerolles, sera officiellement créée une antenne départementale de France Bénévolat. “Cette structure de recrutement et de formation des bénévoles, jubile-t-il, doit m’aider dans mes desseins.” L’aider à rassembler. Faire comprendre. Transmettre. Enseigner. L’essence première de soixante et onze ans d’humanisme.
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