mardi 24 décembre
En vingt ans, Patrick Poisson a promené son imposante carcasse et son œil d’expert sur toutes les pistes d’athlé de France et de Navarre. Entraîneur exigeant, homme discret, le grand manitou de l’Athlétic Club du Haut-Poitou a su braver les tempêtes pour assouvir sa passion.
Il en est ainsi de tous ceux qui vous sont familiers. Vous croyez les connaître, ils vous surprennent à la première occasion. Quiconque a jamais eu affaire à Patrick Poisson n’a pu que s’émerveiller devant ses connaissances encyclopédiques. Son sens de l’analyse. Sa disponibilité de tous les instants pour disserter sur la “chose athlétique”. Dans son esprit affairé, chronos et chiffres arpègent une partition sans fin. Tel un phare dans la nuit, le bonhomme est la lumière de l’inculte égaré, la référence suprême des plumitifs hésitants.
Sur l’athlé, sa passion de toujours, la vie l’a fait incollable et intarissable. Mais que sait-on de l’homme ? Si peu de choses. “Je n’aime pas parler de moi”, avance-t-il d’une voix timide. Dans le “jardin secret” de sa vie privée, Patrick Poisson a planté des haies bien plus hautes que celles des pistes aux exploits. “Mon équilibre, dit-il, passe par la préservation de mon intimité. J’ai des amis fidèles et une vie en dehors de l’athlétisme, mais permettez-moi de garder cela pour moi.” L’apparente robustesse de l’entraîneur se fissure soudain sous le poids de l’introspection. Le gaillard est un grand timide. Fragile et attendrissant dès lors qu’on ose briser la carapace. Ses aveux sont pourtant déroutants. Ni la certitude de ne jamais avoir de descendance, ni les inimitiés créées avec le “milieu” ne lui posent problème.
A 47 ans passés, c’est le coeur-même de son action professionnelle qui suscite l’interrogation. “Oui, c’est vrai, je me pose des questions. Sur mon avenir, l’intérêt de mon engagement .” Tellement étonnant ! Vingt et un ans après avoir endossé la casaque d’“éducateur des activités physiques et sportives” de l’AC Haut-Poitou, fusion concomitante des clubs de Neuville et de Mirebeau, Patrick Poisson laisse poindre une once de lassitude. Toutes ces années, le Neuvillois, ancien spécialiste du lancer lourd, multiple champion départemental et régional de disque, 3e des France UNSS minimes en 1977, a battu la campagne pour inculquer son sens de l’abnégation et donner de son temps. Erigeant, chaque week-end ou presque, l’acte bénévole au rang d’immuable sacerdoce. Las, la lumière pâlit. “Encadrer les gamins, suivre les meilleurs d’entre eux, cela fait toujours mon bonheur. Mais ça use. Surtout lorsqu’on constate que, faute de moyens, on ne peut aller au bout de sa quête.”
Patrick sait plus que n’importe qui ce qu’il en coûte de composer avec les impératifs scolaires et familiaux des pépites polies à l’entraînement. “Après la 3e, les ados, fussentils hyper doués dans le stade, ont hélas autre chose à penser que l’athlé. Ca me mine, mais je ne peux aller contre leur volonté et celle de leurs parents.” En vingt ans, Poisson a pourtant façonné de superbes joyaux. Dont le plus beau, Sabrina Fredon, accompagnée, à l’orée des années 2000, au seuil de la reconnaissance internationale sur 800 mètres. “Malheureusement, on a eu des désaccords. Et on s’est quittés. Je pense qu’on pouvait aller bien plus loin ensemble. C’est dommage.“
Patrick ne veut pas vivre de regrets. Quelques cicatrices sont certes encore mal cautérisées, mais le bougre, guidé par une passion épidermique, a toujours tenu bon. Malgré les séparations, malgré les rancoeurs et les jalousies suscitées, le roc Poisson reste droit dans ses baskets. Sans volonté de plaire, avec le seul souci du travail abouti et du respect réciproque. Entier, volontiers râleur, impulsif, rancunier, -“ça, c’est une évidence”- mais honnête et dévoué, le bonhomme a sa marque de fabrique. “Ce que j’ai fait jusqu’à aujourd’hui, insiste-t-il, je l’ai fait pour les jeunes, pour la survie de l’athlétisme départemental, pas pour ceux qui veulent me mettre des bâtons dans les roues. Je ne suis pas là pour plaire aux autres.”
Ainsi est donc l’énigmatique Patrick Poisson. Docteur Jekyll et Mister Hyde, coeur dévoué et volcan éructant. Un passionné authentique et sincère. Qui ne cessera de plaire aux “autres” que nous sommes.
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