Jeudi dernier, Monseigneur Rouet a fêté son 74e anniversaire. Dans un an, il devra quitter sa fonction d’archevêque de Poitiers, laissant derrière lui une image d’humaniste clairvoyant. Confessions.
“On ne peut pas avoir honte devant Dieu !”. Si celui que les Chrétiens présentent comme le grand architecte du monde a créé l’Homme à son image, Albert Rouet a forcément reçu une double portion de sagesse. Son ouverture d’esprit demeure à la mesure de sa simplicité. Grandiose. Les personnes qui le côtoient régulièrement témoignent de sa capacité d’écoute. Cet homme cultivé sait prendre du recul, réfléchit beaucoup et ne rechigne pas à aborder des sujets de société.
La révélation
Assis dans son bureau situé entre cathédrale et baptistère Saint-Jean, la croix remisée dans la poche de sa chemise, Mgr Rouet, 74 ans depuis le 28 janvier, a fait son chemin. Rien à voir avec un chemin de croix : “J’ai voulu devenir prêtre. Pour le reste, je n’ai rien demandé, on est venu me chercher.”
A 20 ans, le jeune Albert est envahi d’un sentiment de bienêtre, ébloui par “la beauté de la foi”. Marqué comme tant d’autres par la religion catholique, il poursuit des études de philosophie. Ses professeurs (Jacques Derrida, Jean Guitton), aussi illustres soient-ils, ne lui donnent pas la clé d’une interrogation à la fois simple et extrêmement compliquée : “Je me suis demandé ce que j’allais faire de ma vie”. A force de discussions avec ses amis proches, il réalise “tout ce que le Christ a sacrifié pour l’Homme”. Une révélation. Titulaire d’une licence de théologie, il sera ordonné prêtre à Paris, le 23 mars 1963. Mgr Rouet y exercera diverses fonctions pendant trente ans avant de devenir le 123e évêque de Poitiers, le 11 juin 1994.
Contre l’uniformisation du monde
L’abondance de livres et d’articles signés de son nom révèle son envie d’apporter sa “modeste contribution” à une oeuvre considérable : améliorer le sort de l’homme. “L’Archevêque est le protecteur de la veuve et de l’orphelin. En analysant les causes du rejet de certaines personnes, il revêt un rôle social”, souligne Mgr Rouet.
Le succès de son récent ouvrage – “J’aimerais vous dire” (Bayard) - vendu à 20 000 exemplaires durant les trois derniers mois de l’année 2009, prouve que son opinion intéresse les croyants. Dans ce livre, l’Archevêque dénonce une “tendance à l’uniformisation” d’un monde “soumis aux lois de la finance”. Contraints de lutter au quotidien pour conserver leur emploi et nourrir leur famille, hommes et femmes se retrouveraient dépourvus de passion et d’esprit d’initiative. “Ce livre a pour but de rappeler que chacun doit préserver sa conscience car un monde sans conscience tombe dans l’immoralité.” Humaniste monseigneur.
Dialogue des religions
A un an de son départ, l’heure du bilan n’a pas encore sonné. Néanmoins, interrogé sur la cohésion particulièrement visible qui règne entre les religions dans le diocèse, Albert Rouet se félicite d’avoir participé à l’instauration d’une “relation sereine” entre protestants, juifs, anglicans, musulmans et catholiques. Une complicité qui s’exprime de plusieurs manières. L’imam et lui présentaient leurs voeux d’une seule et même voix il y a quelques semaines. En novembre, un agenda 2010 mentionnant les principales fêtes de ces cinq confessions était publié. Sans oublier les journées interreligieuses, l’association des enfants d’Abraham à Châtellerault, les groupes de femmes aux Couronneries… “On déjeune ensemble cinq à six fois par an. ça n’a l’air de rien mais ça permet d’aplanir les difficultés. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le préfet nous avait tous convoqués pour calmer le jeu. Très surpris, nous lui avons répondu qu’il ne pouvait en être autrement”, commente l’Archevêque.
Son successeur devra appliquer la même recette : une double ration de sagesse associée à un zeste de compromis.