Depuis plus de quarante ans, chaque semaine, l’émission Cri-Fréquence Pierre-Levée permet aux détenus de recevoir des messages de leurs proches par ondes interposées. Des moments accessibles à tous, diffusés en direct sur RCF Poitou.

Claire Brugier

Le7.info

Des bribes de messages qui s’enchaînent et se télescopent sur un fond musical dont plus personne ne sait vraiment qui l’a choisi. Chaque jeudi à 19h, sans exception, le générique de Cri-Fréquence Pierre-Levée résonne sur les ondes de RCF Poitou. Semaine après semaine, la radio associative laisse gracieusement son antenne à l’émission imaginée dans les années 1980 par Georges Pesnot. Disparu en 2016, le fondateur du Cri(*) à Poitiers, ancien aumônier protestant de la prison de la Pierre-Levée, a longtemps été la voix de ce programme hérité des radios libres et devenu une institution radiophonique. Destiné aux détenus du quartier de semi-liberté de la Pierre-Levée et des maisons d’arrêt de Niort et Vivonne ainsi qu’à leurs proches, il a déjà traversé plus de quatre décennies « Le Cri s’est étiolé mais l’émission a continué », confirme Ghislaine. « Gigi » fait partie, avec Danielle, Maryse, Claire, Françoise et Eliane, de la demi-douzaine de bénévoles assidues qui prêtent leur voix ou leurs compétences techniques à la réalisation de l’émission. « En moyenne on reçoit une vingtaine d’appels dans l’heure, mais on en a eu jusqu’à cinquante », souligne Danielle.


En 2024, Cri-Fréquence Pierre-Levée, très écoutée derrière les hauts murs carcéraux, a permis la diffusion en direct de 1 135 messages et la lecture de 178 mails et 14 courriers, certains anonymisés derrière un pseudo, d’autres non. « Ce sont des messages de soutien importants, qui relient à la vie ordinaire », souligne Claire. 
« Souvent les personnes qui appellent envoient un message à leur détenu mais aussi à l’ensemble des détenus, renchérit Gigi. Et elles remercient l’équipe. »



« Gardez tous le moral »

A l’antenne, une voix de femme. « C’est moi, je pense que tu m’as reconnue. J’espère que tu vas bien. Je ne te laisse pas tomber là-dedans, quoi qu’il arrive. Je t’ai envoyé une lettre. » Ou encore ce mail lu par Danielle : 
« Bonsoir mon Eternel, nous ça va à la maison. Mistinguette grossit à vue d’œil. On a rendez-vous chez le vétérinaire le 29. J’attends un appel de toi. Gardez tous le moral. » Des messages personnels, de femmes majoritairement, comme ceux qu’on laisserait sur un répondeur. « Ils disent la lourdeur de leur quotidien, l’éloignement, l’inquiétude quand le détenu n’a pas écrit depuis longtemps…, souligne Françoise. On a parfois des messages de rupture, des choses difficiles qui ne seraient pas dites en vis-à-vis. On sert d’espace neutre. Et puis c’est aussi important pour les familles d’avoir un lieu où le détenu existe à l’extérieur, avec des gens qui écoutent. Il y a quelque chose de l’ordre de la communauté. »


Entre chaque message, l’animatrice du jour intercale des musiques, dédicacées ou non, des informations glanées auprès de l’Observatoire international des prisons ou dans l’actualité. Elle renseigne sur les conditions de détention, les alternatives, la justice restaurative… Ou échange avec un invité. « C’est important pour les auditeurs lambda qu’une radio parle de prison », glisse Maryse. 


(*)Mouvement national pour la disparition des systèmes prostitutionnel et carcéral.


Cri-Fréquence Pierre-Levée, sur RCF Poitou. Contact : 05 49 60 63 63, cri.frequencepierrelevee@gmail.com.

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