
Hier
Comment s’est passée la rencontre avec Régis Wargnier ?
« En général, on a des scènes d’essai, surtout pour des acteurs qui sont moins confirmés, qu’on a moins vus. Avec Régis, ça a été une rencontre dans un café. Il m’a invitée à prendre le thé, à 18h. Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Ça a été très chouette parce qu’en fait on n’a pas parlé du scénario de La Réparation, on n’a pas vraiment parlé de ce projet-là. Je pense qu’il s’est intéressé à moi tout simplement en tant que personne. »
Qu’est-ce qui vous a plus dans le rôle de Clara ?
« Je me suis identifiée assez facilement parce que c’est surtout une histoire de filiation, de transmission, de relation père-fille, et que je suis pile dans cet âge où on quitte ses parents pour construire sa vie à soi, pour mener sa barque. C’est toujours compliqué de s’affranchir de nos parents. C’est un très beau rôle parce que Clara le fait via un drame. C’est le pouvoir de ce métier et des films : en racontant l’histoire des autres tu comprends mieux la tienne. »
Comment avez-vous travaillé avec Régis Wargnier ?
« Régis est quelqu’un de très drôle, qui a beaucoup d’humour et moi je suis très bon public. On a développé une espèce de complicité que je savais possible malgré notre différence d’âge… Mais, franchement, parfois je me dis que si on était allé dans le même lycée ou à la même fac, on aurait été les meilleurs amis du monde ! Et puis il appartient à cette génération qui a été témoin d’une époque, d’un cinéma, d’acteurs, il a sans cesse des anecdotes sur des tournages, sur son parcours, qui t’enrichissent. J’ai beaucoup appris de lui. Comme lui apprenait de moi à travers ma jeunesse. »
Et jouer avec Clovis Cornillac ?
« On n’a eu que deux jours de tournage ensemble. C’était très agréable parce que Clovis est quelqu’un d’extrêmement sympathique et très professionnel, très discret. Il y a certains acteurs avec qui tu joues et, en fait, tu as l’impression de ne pas jouer. Clovis en fait partie. »
Le film passe beaucoup par les récits. On imagine que le scénario était très écrit…
« Le texte était au cordeau, il n’y avait pas du tout d’espace pour de l’improvisation. Il faut donc trouver dans ces contraintes sa liberté d’acteur, il faut pouvoir vivre dans ces textes. Dans mon parcours de jeune actrice, cela me permet d’évoluer, de grandir et d’apprendre. Là où cela a été un challenge pour moi, c’est que Clara est très très loin de moi, en tout cas dans la manière qu’elle a d’exprimer ses sentiments. Dans la vie de tous les jours, je suis quelqu’un d’assez extraverti, je ris, je pleure facilement, là où chez Clara tout est très intériorisé. Je pense que c’est aussi une volonté dans le scénario. Il y a une notion de pudeur dans le cinéma de Régis qui est assez grande. »
Vous incarnez la fille d’un grand chef. Quelle est votre lien à la gastronomie ?
« Je ne connaissais que Michelin. Au niveau de la bouffe, je mange très mal, je suis très loin de me faire des petits plats gastronomiques très gourmets ! (rire) Moi je me nourris de conserves. Et je ne vais pas vous dire que maintenant je mange des coquilles Saint-Jacques poêlées à l’échalotte et à la violette, ce n’est pas vrai ! Je n’ai toujours pas pris goût à la nourriture gastronomique française. Asiatique c’est autre chose, ce ne sont pas les mêmes saveurs. Mais je ne pense pas que parce que Clara a ce talent culinaire, il faille que je l’aie pour donner de la crédibilité à mon personnage. Il y avait bien d’autres moyens d’y parvenir, à travers cette question : qu’est-ce que ça implique pour elle ? C’est plus émotionnel. Notre métier c’est de l’émotion, c’est à moi de créer le sous-texte, de chercher un pont entre les deux. »
Clara dans La Réparation, Brigitte Bardot dans la série Bardot. Est-il difficile de vous détacher des personnages que vous incarnez ?
« Me détacher d’un personnage est presque un soulagement, parce que je ne me mets pas « dans la peau d’un personnage », je ne comprends pas cette expression. Moi je fais un travail à la table. Le scénario a une psychologie, et c’est pour ça que ce métier est un sacrifice. Si le scénario est suffisamment fort pour pouvoir créer une histoire et une matière au personnage, mon cerveau va regarder des endroits que, dans ma vie, je ne regarderais pas. Je vais créer une pensée, un nouveau conscient. Pendant le tournage, il y avait des journées où je me retrouvais avec des émotions que j’avais inventées. Ce qui est étrange, c’est que ce sont de vraies émotions mais c’est faux, ce n’est pas la réalité. C’est un poids un peu de devoir porter tout ça, avec tout le bien que cela comporte. C’est comme un vieillissement accéléré ce métier. »
Comment envisagez-vous la suite de votre carrière ?
« C’est un métier qui est tellement dur... Et il y a aussi un facteur chance. Il ne s’agit pas de se dire « je vais réussir, ça va marcher », mais il faut croire en pourquoi tu veux faire ça, à quel point c’est nécessaire pour toi. Il faut se fier à l’impossibilité de faire autre chose. »
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