Pauvres campagnes

Olivier Pouvreau vous embarque au plus près du vivant, dans un univers qu’il affectionne tant.

Le7.info

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Dans ces lieux que je traverse de temps à autres entre Poitiers et Angoulême, en Touraine, ici et là dans le Grand-Ouest, s’étendent de vastes surfaces de champs. Cette immensité est accentuée par l’absence de haies et seule la verticalité de rares bois contrarie son uniformité. Sans nuances et sans transitions paysagères, cette rase campagne renvoie l’image d’une monotonie et d’une désolation où la vie semble s’être réduite aux seules cultures élevées sous perfusion d’intrants chimiques. Selon le géographe Adrien Baysse-Lainé, lors du départ à la retraite d’un agriculteur en France, 
6 hectares de terres sur 10 sont repris par des exploitants voisins pour les agrandir et réaliser des économies d’échelle (ces rachats sont souvent le fait de grandes exploitations « entrepreneuriales » et non « familiales »). Ainsi, si le nombre d’exploitations agricoles ne cesse de baisser (quatre fois moins en cinquante ans), la superficie parcelles agricoles ne cesse d’augmenter (3,5 fois plus étendues). Face à ces évolutions, posons une autre tendance connexe : 
entre 1989 et 2019, les populations d’oiseaux des milieux agricoles ont chuté de 31% en France tandis que celles des oiseaux dits « généralistes » 
(espèces peu exigeantes) ont augmenté de 17%. La loi de la sélection capitaliste a parlé et ses adaptés -de l’agriculteur de firme au pigeon ramier– témoignent d’un appauvrissement tant des milieux agricoles que de la faune et de la flore qu’ils abritent. Certes, on rétorquera qu’il faut bien nourrir les masses et que de nombreux agriculteurs font ce qu’ils peuvent. Toutefois, le « problème agricole », dans toutes ses dimensions écologiques et sociales, fait-il réellement débat ? Sans vouloir mythifier les anciennes sociétés dites « agro-sylvo-pastorales », celles-ci avaient néanmoins la sagesse de leurs actes en vivant plus en harmonie avec leur environnement. Un sol n’était pas un milieu sur-traité et une haie n’était pas une ennemie mais un réservoir de bois, de faune et de flore. Le fameux bon sens paysan se serait-il égaré dans les méandres d’un système fou ?

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