La Musée, l’art au féminin

Le musée Sainte-Croix de Poitiers accueille jusqu’au 18 mai l’exposition La Musée, du nom de la collection exceptionnelle d’œuvres d’artistes femmes qui lui a été confiée par Eugénie Dubreuil. Plus qu’une exposition, une proposition originale de réflexion sur la société.

Claire Brugier

Le7.info

Le « e » final de « musée » ? Un héritage du latin, rien de plus ! Jusqu’à présent, malgré sa terminaison efféminée, le mot était strictement masculin. Et il l’est toujours, sauf pour désigner la collection qu’Eugénie Dubreuil a constituée pendant près de vingt-cinq ans et qu’elle a confiée en mars dernier au musée Sainte-Croix de Poitiers. Une exposition, visible jusqu’au 18 mai, est née de ce don exceptionnel de 
523 œuvres. Toutefois, plus qu’une collection ou une exposition, La Musée désigne avant tout la contre-proposition faite par une artiste, enseignante et historienne de 87 ans, qui a vécu et observé l’invisibilisation des femmes dans l’art. Dans son sillage, Manon Lecaplain et Camille Belvèze, respectivement directrice et responsable de collections, ont imaginé une scénographie qui dépasse la simple succession de biographies d’artistes femmes, un cartel sous chaque œuvre, dans un ordre chronologique et sans perspective. « Nous avons voulu traduire le passage de la démarche engagée d’une collectionneuse à l’institutionnalisation de sa collection. » 
Les deux co-commissaires ont sélectionné près de 
300 œuvres pour interroger la société et son rapport aux artistes féminines. Où l’on découvre par exemple, à travers la typologie de leurs œuvres, que les femmes ont souvent été empêchées d’accéder à certains genres dits majeurs et cantonnées à l’aquarelle, le pastel, les estampes, les miniatures… « En tant que musée, nous avons un rôle social, assène Manon Lecaplain. Il nous appartient de débattre et combattre les biais stéréotypés. »

Institutionnaliser pour rendre visible

En guise de pied-de-nez à une histoire de l’art pour le moins oublieuse, l’exposition s’ouvre sur un mur chronologique d’œuvres 100% féminines, du XVIIIe siècle à aujourd’hui, comme « une autre histoire de l’art », s’amuse Manon Lecaplain. Mais La Musée est aussi l’occasion de faire connaissance avec une collectionneuse capable d’acheter une œuvre sur le seul prénom de l’artiste ! 
Pourtant, quand elle a acquis un premier dessin arraché d’un carnet de Marie Laurencin lors d’une vente Guillaume Apollinaire à Drouot, Eugénie Dubreuil n’avait pas pensé faire de sa collection balbutiante un plaidoyer féministe. « Elle a débuté en 1999 mais ce n’est qu’en 2010 qu’elle a songé à patrimonialiser ou plutôt matrimonialiser cet ensemble, note Camille Belvèze. Elle a pensé créer un musée dans son atelier du XIIIe, avant de se tourner vers des musées, à Paris puis à Brive, lequel l’a orientée vers Poitiers. » Le musée Sainte-Croix est en effet reconnu pour ses collections féminines. Avec ce don, assorti d’une manne de 150 000€ du Fonds de dotation Les Beaux Yeux (présidé par Eugénie Dubreuil) à la Ville, l’établissement s’apprête à franchir « une nouvelle étape dans sa démarche de valorisation des artistes femmes », via notamment un projet quinquennal de partenariat avec la recherche universitaire(*). 


(*)Les 14 et 15 mars, le musée accueillera un colloque organisé avec le collectif Femmes Artistes en Réseau.

Le musée Sainte-Croix a 50 ans

Ouvert le 21 décembre 1974, le musée Sainte-Croix de Poitiers, exemple de l’architecture brutaliste, fête durant tout le mois de décembre -et un peu au-delà- ses cinquante ans d’existence. Comment ? A partir des idées que les équipes, une cinquantaine d’agents de la médiatrice au menuisier en passant par l’encadreuse-doreuse, ont glissé dans une boîte à idées. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne manquent pas d’imagination pour réaffirmer les deux axes de développement du musée : la mise en valeur des collections permanentes et l’inclusivité. Parmi les différents rendez-vous, une course d’orientation baptisée « Poitiers en poche. Rando et soupe » aura lieu vendredi en lien avec l’Ufolep, le Joker et le Local, ou encore, samedi et dimanche, Sakountala, une conférence performée signée la Cie Le Hasard n’a rien à se rapprocher, inspirée par l’œuvre de Camille Claudel. Parmi les incontournables, il y aura aussi la fête d’anniversaire, le 19 décembre de 18h30 à 22h30 (atelier de sérigraphie, blind test spécial 1974, concert des Cactus Riders…) et le 20 décembre à 12h30 « La face cachée du musée ! », une visite des entrailles techniques du bâtiment. La fête se poursuivra début 2025 avec, à ne pas manquer le 18 janvier, une soirée spéciale ABBA en partenariat avec la Coloc Drag, et le 15 février un événement dédié au… tatouage. Huit studios ont en effet travaillé sur le design de tattoos représentatifs du musée, qu’ils se feront un plaisir de tatouer sur les peaux consentantes. 


Programme complet sur musee-saintecroix.fr. L’accès au musée est gratuit en décembre.

 

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