Sujet tabou mais pourtant essentiel, la sexualité des personnes handicapées peine à sortir des préjugés de la société. Universitaires, associations ou encore familles veulent lever le voile sur ce droit.
« C’est dur de vivre sans amour, on vit comme un robot... » Taboue quand elle n’est pas carrément un non-sujet, la sexualité des personnes handicapées a fait l’objet de la 3e édition des Etats généraux du handicap, organisés par le Département au Creps de Poitiers le 26 novembre. Une initiative forte qui a permis de remettre la question au cœur des discussions, ainsi que de répondre aux interrogations des personnes concernées et des aidants. L’un des principaux obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées sont les préjugés. Négation de leurs émotions, infantilisation ou méconnaissance... Pour Audrey Guilmet, présidente du Groupement pour l’insertion des handicapés physiques Poitou-Charentes, atteinte d’amyotrophie spinale, il faudrait « mettre de côté nos idées reçues et repenser en termes d’être humain ». Car, comme pour n’importe quel individu, la vie affective et sexuelle contribue au bien-être « mental, physique et social ».
« J’ai revu quelqu’un qui avait été accompagné par un assistant sexuel, il était métamorphosé », confie Rodolphe Brichet, créateur du dispositif d’autonomie intime HandyLover. La sexualité est aussi et avant tout un droit et une liberté « rappelés par la Charte des Nations unies en 2006 », insiste Jennifer Fournier, chercheuse au TransLab’ Azimut et docteure en sciences de l’éducation.
Un droit difficile
à appliquer
Pourtant, « un certain nombre d’enquêtes montrent que les personnes en établissement sont moins nombreuses à être parents et à avoir une vie intime ». Pour la chercheuse, plusieurs facteurs seraient en cause, comme « un manque de confidentialité et d’aménagement » ou encore « des professionnels qui se sentent empêchés » par peur de mal faire. Mais quelques familles, établissements et associations essaient de mettre en place des initiatives pour respecter cette « liberté fondamentale ». Cela commence bien souvent par des discussions. Ainsi Nathan, paralysé et « en couple avec une personne également handicapée », a pu échanger librement « dans les centres spécialisés ou avec [ses] parents ». « Je suis notamment intéressé par les notions de consentement. »
Un thème « utile à aborder et à approfondir » également aux yeux de Sandra Garestier, animatrice-coordinatrice de l’Association de familles de traumatisés crâniens et de cérébrolésés (AFTC). Mettre un lit double à disposition, organiser des temps d’échange adaptés en fonction de la pathologie ou encore parler de ces notions aux étudiants en santé sont autant de solutions. « Il y a encore un énorme chemin à faire même si les choses évoluent », constate Rodolphe Brichet. Le créateur du HandyLover a dû cesser son activité. « La société n’était pas prête. » Il espère voir les mentalités évoluer.