L’exigence, 
son meilleur rôle

Jacques Develay. 72 ans même si « on [lui] en donne souvent dix de moins ». Auteur, metteur en scène et acteur. Amoureux de l’Espagne et des mots. Montera les marches du Festival de Cannes le 20 mai prochain pour le film Miséricorde.

Charlotte Cresson

Le7.info

Difficile de l’arrêter lorsqu’il parle de sa carrière. Et ça n’a rien d’étonnant. A 72 ans, Jacques Develay a de multiples casquettes et jongle entre l’écriture, la mise en scène et le jeu. Entre deux citations de Camus, le Poitevin revient avec enthousiasme sur son parcours au long cours. Sa passion pour les images a commencé très tôt. « Mes parents m’ont appris à aimer le cinéma et les livres. Mon père, notamment, rapportait des films à la maison », se souvient l’artiste. 


Ses débuts, le Parisien d’origine ne les fait pas devant une caméra mais sur les planches. D’abord en tant que comédien puis à la mise en scène. La liste des œuvres est longue mais certaines d’entre elles l’ont particulièrement marqué, comme Caligula de Camus ou Marat-Sade de Peter Weiss. Néanmoins, un point commun les relie toutes : l’exigence. Jacques Develay aime le travail bien fait et proche de la perfection. Un comportement que son entourage ne comprend pas toujours. Son écharpe bien serrée autour du cou, le père de deux filles est en effet confronté à la solitude. Mais hors de question de se laisser abattre ! Le septuagénaire est lucide et fier de son parcours. 


Passionné d’histoire

« J’ai toujours eu la chance de faire ce que je voulais. » La comédie et la mise en scène s’enchaînent ainsi depuis 1982. Celui qui, petit garçon, déambulait dans les couloirs du Collège de France a mis sa passion pour les livres au service de l’écriture. Féru d’histoire et de politique, l’artiste est également incollable sur les événements qui ont marqué l’Espagne. La guerre qui a frappé cette dernière l’inspire notamment pour écrire sa pièce Dès la nuit blanche d’Alfacar. 
« J’avais envie de mêler les destins individuels et l’histoire. » Ce goût pour le passé lui vient aussi de ses parents. « Dès petit, j’allais régulièrement sur les plages du Débarquement avec ma famille. Plus tard, je me suis rendu sur le champ de bataille de Verdun et au Chili. » Cette dernière destination l’a d’ailleurs inspiré pour écrire Beatriz et Hortensia. L’attirance pour l’Espagne, en revanche, ne s’explique pas. Et lorsqu’on lui demande s’il possède des origines ibériques, il sourit. 
« Pas à ma connaissance ! »


Jacques a manié la caméra dès son adolescence, il est devenu acteur pour la télévision et le cinéma au début des années 2000. Il obtient l’un de ses premiers rôles dans la série iconique L’Instit et enchaîne les apparitions jusqu’à aujourd’hui. Ses rôles de prédilection ? Les hommes d’Eglise. 
« J’en ai fait quatre ou cinq, je ne sais pas pourquoi mais ce sont souvent des personnages que l’on me propose ou alors ce sont des institutionnels comme des proviseurs, des profs… », s’amuse l’acteur. Le grand public a pu le voir dans une vingtaine de rôles à la télévision comme dans Capitaine Marleau, Baron noir, Les Filles du feu, mais également au cinéma. L’artiste y joue aux côtés d’acteurs célèbres comme Denys Podalydès, Corinne Masiero, Jean-Paul Roussillon, Jean-Pierre Marielle, Claude Rich ou, plus récemment, Catherine Frot. « Je me souviens de Jeanne Moreau qui lisait Libé au coin du feu et qui craignait que je prenne froid. Plus les gens sont grands, plus ils sont abordables. » Devant la caméra comme au théâtre, l’artiste travaille ses rôles avec l’exigence qui le caractérise et s’inspire des plus grands pour parfaire son jeu. « Lorsque l’on me demande comment je me prépare pour incarner un personnage, je prends l’exemple de Dustin Hoffmann qui courait vraiment avant les scènes de course dans Marathon Man à la manière de la méthode Actors studio. Un jour, Laurence Olivier lui a dit quelque chose de très juste en lui conseillant simplement de jouer. » Lui qui n’aime pas se voir juste après une prise a appris à se laisser guider. « Au cinéma, il y a une sorte d’abandon à avoir. Le réalisateur est aux commandes. » 
Le passionné d’histoire fait néanmoins attention aux détails et apprécie tout particulièrement l’authenticité des décors qu’il retrouve dans Miséricorde, le nouveau film dans lequel il joue. 


Direction Cannes

« Quand on fait une reconstitution historique, il faut le faire bien. Sur le plateau de Miséricorde, il y avait le souci du détail. J’ai été fasciné par les décors, ils avaient tout construit de A à Z jusqu’à mettre de la vaisselle dans des placards qui n’étaient pas ouverts. C’est ça le cinéma ! » 
Le film d’Alain Guiraudie est sélectionné dans la catégorie Cannes Première du festival 2024 et sera présenté le 20 mai prochain. Un aboutissement pour Jacques Develay, pour lequel cet événement fait remonter le souvenir de ses parents. « C’est un peu un désir en tant que comédien de jouer un rôle conséquent. » Après avoir enchaîné les petits rôles et animé des ateliers de théâtre à la M3Q de Poitiers, l’acteur « trop exigeant » 
à qui l’on a souvent répété qu’il n’était «jamais content » est aujourd’hui sur son petit nuage. Son personnage dans le film ? Un prêtre bien sûr !

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