Le congé menstruel face au tabou

Le Sénat puis l’Assemblée nationale ont successivement écarté le projet de loi de congé menstruel mais des entreprises et des collectivités l’ont instauré sans attendre le législateur, à l’instar de la Région Nouvelle-Aquitaine.

Claire Brugier

Le7.info

Lentement, malgré le tabou qui l’entoure, la question s’invite dans le débat public. Certes, la proposition de loi visant à créer un congé menstruel, portée devant le Sénat par la socialiste Hélène Conway-Mouret (février) puis devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale par le député écologiste Sébastien Peytavie (mars), n’a pas encore trouvé l’écho escompté. Mais de rares entreprises privées et collectivités ont entrepris de devancer l’appel. Dans le sillage de Saint-Ouen le 8 mars 2023, la Région Nouvelle-Aquitaine a instauré le congé menstruel à partir du 1er novembre dernier. Depuis, 20 agentes, 12 en lycée et 8 au siège, se sont saisies de cette « autorisation spéciale d’absence » (Asa) sollicitée d’ordinaire pour un enfant malade, un motif syndical… « Non, cela ne désorganise pas les services, non il n'y a pas d’abus, prévient Sandrine Derville, vice-présidente à l’Administration générale. C’est juste un droit. »

Reste qu’en l’absence de loi, il a fallu trouver un cadre juridique à ce nouveau congé qui autorise une agente souffrant d’endométriose ou de règles incapacitantes à s’absenter deux jours par mois, à condition de présenter un certificat médical établi sur un an. « Potentiellement, 1 femme sur 10 peut souffrir d’endométriose. A la Région, cela en fait près de 350 susceptibles de solliciter ce congé. » La Ville de Poitiers aussi l’a inscrit dans son Plan égalité, pour janvier 2025. 
« Non seulement cela peut être un frein dans son travail mais c’est aussi une question de santé publique, souligne Alexandra Duval, conseillère à l’Action sociale et à l’Egalité des droits. Beaucoup d’agentes n’auront pas besoin de ce congé mais il fait partie des outils pour changer les comportements. On peut imaginer l’étendre à la question de la ménopause, hormonale pour les personnes transgenres… »

Au-delà du congé

Dans les entreprises privées de la Vienne, la question se fait plus que discrète. « Au national, le CJD est favorable au congé menstruel, mais sans prescription médicale, sur la base de la confiance et dans la mesure du possible », rappelle Isabelle Guillerm-Lassale, vice-présidente du Centre des jeunes dirigeants Poitiers-Châtellerault. En local, la question n’a jamais vraiment été posée, ce qui n’exclut pas certaines initiatives. « A travers notre gazette, la DRH a invité nos collaboratrices à s’exprimer pour étudier ce qui pourrait être mis en place pour les soulager, note Isabelle Guillerm-Lassale en tant que directrice générale du groupe Carmel. Il n’y a pas que le congé, cela peut passer par des aménagements du temps de travail, de poste… » Au sein d’Entreprendre au féminin, la question aussi reste tue. « Il est très contraignant de ne pas aller au travail et de le justifier », 
constate simplement Florence Potrel.

Selon Florine Dubech, qui souffre d’endométriose depuis de nombreuses années (Le 7 n°513), 
« pas sûr que deux jours par mois suffisent. On associe l’endométriose à la période des règles mais beaucoup de femmes ont mal en dehors. Personnellement, je n’ai qu’une semaine de répit par mois. Sans compter les nombreuses femmes qui ne sont pas diagnostiquées ou qui n’ont plus ni gynécologue ni généraliste… Si on persiste à réduire l’endométriose à la période des règles, on n’avancera pas. Peut-être qu’il y aurait d’autres choses à faire avant, dans l’accompagnement des femmes, dans les cours au collège et au lycée… » Doucement, la parole se libère. En attendant les actes…

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