Charlotte Vorreiter, d'humour et de fraises

Charlotte Vorreiter ou Charl’Hot. 37 ans « trois quarts ». Formatrice en communication. Comédienne de théâtre. Humoriste. Stéphanoise de naissance, Poitevine d’adoption. Adore se donner en spectacle. Signe particulier : n’a « jamais été aussi heureuse » qu’aujourd’hui.

Sa première scène remonte à 2010, au Nombril du monde, à Lyon. « Mes copines en avaient marre de toutes mes histoires et m’ont poussée à les raconter ! Le sketch portait sur les rencontres Internet. C’était Meetic dans tous les sens du terme ! » Depuis ses débuts, de l’eau a coulé sous les ponts du Rhône d’où Charlotte Vorreiter est originaire. Enfin, presque. « J’ai souvent dit que je venais de Lyon pour que les gens situent, mais en réalité je suis originaire de Roche-la-Molière, près de Saint-Etienne. » Les plus fidèles lecteurs du 7 ont tôt fait de repérer sa plume tantôt drolatique tantôt « dramatique » 
dans la saison 2016-2017. Extraits : « Mai 2013, en recherche d’emploi, je postule à Poitiers. Je me dis qu’il y a le Futuroscope. J’ai dans la tête quelque chose comme la Défense... » Plus loin : « En arrivant un dimanche matin dans le centre-ville, j’ai cru faire demi-tour ! »

Bonjour l’ascenseur émotionnel pour la chargée de communication -à l’époque-, nouvelle arrivante et observatrice bien vivante des coutumes locales ! Ah, ces expressions « so » 
poitevines, « barrer la porte », « passer la since »... Onze ans après avoir débarqué dans ce Poitou si étrange(r), la Stéphanoise ne ferait demi-tour pour rien au monde. C’est aujourd’hui chez elle, son cocon, son refuge.

Donnant-donnant

Elle qui participe depuis trois ans aux Fêlés du Poitou, sur France Bleu, évoque « des rencontres » qui ont jalonné son parcours et nourri ses spectacles. A l’image de celle avec l’incontournable dessinateur Luc Turlan, co-auteur de son deuxième one-woman-show, Charl’Hot (royalement) aux fraises. Le premier s’appelait Charl’Hot cherche la p’tite bête.

Sur la scène du Republic Corner le 11 mars, à la Locomotive vendredi dernier, ou au Festival d’Avignon cet été, la trentenaire lâche les chevaux et saute d’un sujet à l’autre. « Je fais pas mal de plateaux au Mans, en Charente-Maritime ou ici, à chaque fois pour roder un sketch, tester une idée. C’est un bon format avec une notion de collectif. » L’humoriste à mi-temps -elle est formatrice en communication pour des entreprises et des écoles- se nourrit « des émotions du public, de l’échange ». Du donnant-donnant en somme. « Moi, ce que j’aime, c’est faire réagir les spectateurs, les faire rire mais pas seulement. Mon spectacle, c’est la vraie vie en fait. » Son père, régisseur d'une salle de spectacle, disparu en 2012 des suites d’une longue maladie comme on dit pudiquement, « l’accompagne » encore et toujours. Il lui a pourtant fallu du temps pour comprendre 
« qu’un sourire et une tape sur l’épaule » équivalaient à de la fierté paternelle. « Cet amour de la scène, de la bêtise, je la partageais avec lui. Après, j’ai eu la chance de ne pas me laisser attraper... J’en parle sereinement. »

« Les jouets pour adultes, comment on aborde ça ? »

Charlotte Vorreiter, à la ville, n’a sans doute « jamais été aussi heureuse qu’aujourd’hui ». Elle qui a « 37 ans trois quarts » a « passé l’âge de se préoccuper de ce que les gens pensent d’elle ». La working girl déroule son existence comme bon lui semble, qualités et défauts compris et assumés. « Je sais que je m’emporte vite et que je suis hyper-exigeante. A côté de ça, je pense être assez humaine, dans l’empathie avec les gens. » Cette féministe 
« croyante et pratiquante » monte vite dans les tours quand l’un de ses étudiants trouve que venir à un entretien d’embauche en jupe pour une fille... Vous voyez la suite ! « Ça a tendance à me faire sortir de mes gonds. » 
Et pourtant, elle les plaint « ces jeunes un peu paumés dans la société ».

De ses cours avec eux aux soirées entre copines, de sa vision de la société à la guerre en Ukraine, Charl’Hot se transforme en éponge pour nourrir ses futurs sketchs, même si certains sujets pourraient lui résister. L’humoriste reconnaît une certaine « retenue ». « Les jouets pour adultes, comment on aborde ça par exemple ?, interroge-t-elle, pour faire passer un message positif aussi bien chez les garçons que chez les filles. » Elle va remettre l’ouvrage sur le métier à Avignon, jusqu’à trouver le bon ton. Jusque dans ses goûts littéraires, la comédienne de théâtre, trente ans de pratique SVP, prend le contre-pied. « Je lis des livres d’amour de la Régence anglaise depuis un an et demi. Je sais... » 
Elle éclate de rire une énième fois, contente de son petit effet, mais déjà tournée vers l’après. Charl’Hot est définitivement et royalement aux fraises !

DR Jérémie Laye