Du calendrier de l’Avent au calendrier de l’Après

Le Regard de la semaine est signé Sarah Sauquet.

Le7.info

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Dans le film Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier, Niels Arestrup a cette réplique qui dit bien des choses sur les cages dorées et citadelles que le langage et ses dérives savent parfois ériger : « A partir d’aujourd’hui, on va mettre de la résilience partout. » Alors que nous arrivons dans le dernier sprint d’une année difficile au cours de laquelle la résilience est devenue une discipline olympique, j’aime à penser que le calendrier de l’Avent pour adultes, fils illégitime de notre ultra-moderne impatience et de la magie de Noël, est au pire une certaine idée de l’enfer, au mieux, et très souvent, une façon d’honorer la résilience dont on aura fait preuve onze mois durant.

Au pire, imaginez : « au jour d’aujourd’hui », les calendriers de l’Avent chocolatés, parfumés, torréfiés, se voudraient 
« inspirants », nous aideraient à passer « de belles journées » 
et à être mieux « alignés ». 
« Addictifs », ils alimentent le 
« FOMO »(*), égrènent le compte à rebours avant la 
« bamboche » au cours de laquelle nous pourrons « chiller » ou nous « ambiancer ». Quand ils sont consacrés à nos chats, chiens, hamsters ou lapins -car oui, tout arrive-, ils seraient presque « disruptifs », du genre à « faire bouger les lignes ». Les grandes espérances et petites joies sont montées dans la neige de l’emballage. Interdiction de jouer à saute-mouton ou d’ouvrir deux fenêtres à la fois : nous pourrions être suspectés d’avoir une case en moins.

Au mieux, et très souvent, le présent que nous découvrons nous extrait un court instant du monde réel. Est oisif celui qui ouvre son compartiment, et il ne tient qu’à nous de transformer la pratique consumériste en un acte de générosité. Quand le calendrier de l’Avent se pare du manteau de l’immatérialité, les rituels et défis qu’il instaure sont spirituels, intellectuels, psychologiques, sportifs. Il devient le levier qui, vingt-quatre jours durant, nous aide à exprimer notre gratitude, penser à celles et ceux qui nous ont portés, aux événements qui nous ont réjouis, à ce que nous avons et devrions chaque jour protéger. C’est ce calendrier-là que je chéris.

Nos vingt-quatre chocolats dégustés ou prières à l’univers adressées, tâchons de voir la coupe de champagne à moitié pleine et d’ouvrir nos cœurs, canapés, cases et maisons à ceux qui seront seuls à Noël. Au fait, j’ai appris l’an dernier qu’il existait un « calendrier de l’Après ». Une certaine idée d’un voyage au bout de l’enfer. 

(*)Peur de rater quelque chose.

CV express
Parisienne amoureuse de la Vienne. Littéraire passionnée par la pop culture. Prof de lettres, autrice, créatrice d’applications littéraires. Curieuse des êtres, sensible aux choses de la vie et trajectoires complexes. Aimerait vivre dans un film de Claude Sautet. Dr Fervente Mrs Inquiète. Atteinte d’une Mala- die inflammatoire chronique de l'intestin (Mici).

J’aime : le goût de l’effort, l’empa- thie, l’audace et le courage, prendre un thé chez Jasmin Citronnelle à Poitiers.

J’aime pas : la flagornerie, la malhonnêteté intellectuelle, la jalousie.

DR Emilie Château

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