Moulière, une mosaïque de solutions

C’est un fait, le climat change plus vite que la capacité des arbres à s’y adapter. En forêt de Moulière, les forestiers expérimentent la « forêt mosaïque », une stratégie visant à identifier les modes de gestion les plus résilients.

Eva Proust

Le7.info

Alors que le lent -mais continu- dépérissement des forêts gagne du terrain, l’Office national des forêts (ONF) alerte quant au besoin de garantir leur sauvegarde face au changement climatique. Entre Chauvigny et Châtellerault, l’ancienne forêt royale de Moulière (4 200 hectares) est le laboratoire « de stratégies fondées sur la diversité des essences, des traitements des parcelles et des modes des renouvellements », abonde Albert 
Maillet, directeur forêts et risques naturels à l’ONF. L’objectif est aussi ambitieux qu’incertain : aider les forêts à encaisser « un choc thermique de 10 000 ans » en quelques dizaines d’années, en prévention de l’annonce par le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (Giec) d’un mercure à +4°C sous nos latitudes d’ici 2100.

Des forêts vulnérables

Mais comment savoir qu’une forêt souffre ? Un maître-mot, « l’observation, poursuit Albert Maillet. C’est la meilleure méthode pour surveiller la santé d’une forêt. » Plusieurs facteurs sont en cause dans leur dégradation : la sécheresse, la prolifération de parasites, l’insolation, l’appauvrissement des sols... « Quand il y a déjà des symptômes, c’est souvent trop tard. Le but est de prévenir le dépérissement des forêts saines, mais qui vont subir ces effets néfastes à un moment donné. »
Bien que la forêt de Moulière ne présente pas de signaux inquiétants, elle est vulnérable de par sa composition. Parmi la trentaine d’essences différentes qu’elle abrite, « la majorité sont sensibles au changement climatique », indique Antoine Bled, directeur de l’ONF Poitou-Charentes. Ce sont les chênes sessiles et les pins maritimes qui dominent, ces derniers n’étant pas des espèces locales mais introduites dans les années 1970 pour leur résistance au gel.

Une migration assistée

Pour diversifier la forêt, de nouvelles essences sont testées par l’ONF. Sur le cadastre forestier, chaque parcelle est identifiée selon son mode de gestion. On trouve les futaies régulières avec des arbres du même âge destinés à la production de bois, les futaies irrégulières qui respectent les cycles naturels, mais aussi les landes, les îlots de sénescence dont on ne retire pas le bois mort, ou encore les zones de régénération, où de jeunes arbres sont mêlés à des essences plus résistantes. « On veut intégrer du « sang neuf » venu du sud, comme le hêtre du Var ou le chêne pubescent pour supplanter le chêne sessile, trop fragile en cas de sécheresse, précise Antoine Bled. On compte sur l’hybridation des deux espèces. »
Il s’agit ensuite d’observer ce qui fonctionne ou non. Sur certaines parcelles, les chênes sessiles gourmands en eau peinent à cohabiter avec les pins sylvestres. Sur d’autres, des essences méridionales comme le pin de Turquie et le sapin d’Espagne s’épanouissent parmi les espèces locales. « Ces actions doivent vraiment être hétérogènes, sur de petites surfaces, indique Albert Maillet. Cela permet de réorienter en temps réel les modes de gestion qui ne fonctionnent pas. En testant plusieurs méthodes, on fait le pari d’avoir toujours un choix gagnant que l’on pourra appliquer à large échelle. »

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