Porté par des intérêts financiers, éthiques ou de mode, le marché du vêtement de seconde main est en plein essor et séduit même des enseignes de la grande distribution.

Claire Brugier

Le7.info

« Nous n’aurions jamais eu l’idée de venir nous installer ici… » Derrière le comptoir de Mea Culpa, Youcef Djedoui a vue directe sur les caisses de l’hypermarché Auchan, à Chasseneuil-du-Poitou. Et ne serait-ce l’inscription « seconde main » affiché en lettres noires sur fond jaune à l’entrée, sa boutique ne se distingue en rien des autres magasins de la galerie marchande. Le co-créateur d’Origin, à Vouneuil-sous-Biard, a accepté la proposition -loyer incitatif, 
10 000€ pour l’aménagement- que lui a faite Nhood, l’opérateur immobilier du groupe Auchan, à l’instigation d’Angélique Rousselot-Doisy, une ancienne salariée. Un choc des cultures ? « En 2030, on consommera plus de vêtements de seconde main que de vêtements neufs, lâche la Bordelaise qui a depuis ouvert son propre concept store, Madame Angèle. On ne peut plus passer à côté de cette offre. » De plus, dans « une galerie un peu compliquée », la seconde main constitue un nouveau marché. 


Du vintage au moderne

Pour Origin, jeune entreprise de collecte de textiles, la motivation est avant tout éthique. « Le prix doit être un levier. » L’objectif, à terme, est de « financer des solutions locales de recyclage, note Youcef Djedoui. Quand je vois un jean partir, c’est 10 000 litres d’eau économisés ! Et puis dans une friperie la relation client est différente, le discours plus ouvert. » 


En France, chaque année, 600 000 
tonnes de vêtements neufs sont mises sur le marché. Parallèlement, 36% des Français déclaraient en 2021 avoir acheté un vêtement d’occasion. Le marché est en hausse de 10% par an, ce qui n’a pas échappé aux deux co-fondateurs d’Oh my Frip !. Mi-janvier, pendant deux jours, l’entreprise basée dans le Val-d’Oise a transformé le parc des expositions de Poitiers en friperie géante, avec 8 000 ceintres et 4 tonnes de vêtements. « Au début, nous proposions du 100% vintage, aujourd’hui nous avons de plus en plus de moderne », explique Julien Michelon, l’un des deux co-fondateurs. Chaque semaine, Oh my frip ! investit une nouvelle ville avec ses « vêtements collectés dans le monde entier. On nous parle souvent de l’empreinte carbone mais de toute façon ces vêtements étaient dédiés à la destruction. L’impact ne peut donc être que positif. » 
A contrario, chez Maxi-mini, à Poitiers, la collecte est par essence exclusivement locale. Installée depuis 1993 Faubourg-du-Pont-Neuf, Laurence Verceux revendique le nom de dépôt-vente, avec « de plus en plus de dépôts depuis la crise ». Preuve que la problématique financière est prégnante, même si elle se confond aujourd’hui avec des préoccupations éthiques. Ou de mode comme au Chat noir, Grand-Rue. Au mot « friperie » Angélina Garrin préfère celui de « boutique vintage », plus adaptée aux pièces rares des années 1950, 60, 70 et 90 (l’omission du 80 est volontaire) qu'elle chine elle-même. « Ce sont mes choix que je propose aux clients, glisse la commerçante. Pour moi, la question éthique de la seconde main est dépassée. » 


Dans son vocabulaire comme dans ses motivations, le secteur de la seconde main se révèle pluriel et reste peu réglementé. Seule certitude, il est commercialement de plus en plus attractif.

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