Couple à la ville, Daria Nelson & Mathias Malzieu forment également un duo sur scène. Vendredi, les deux artistes jouent à la Blaiserie leur Symphonie du temps qui passe, projet protéiforme où ils content leur amour, leurs joies et leurs peines. Entretien.
Steve Henot
Le7.info
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La Symphonie du temps qui passe est un projet singulier, aux multiples facettes : un recueil de poèmes, un film, un album et aujourd’hui une pièce musicale…
Mathias Malzieu : « C’est un projet de temps long, une proposition avec un vrai objet. J’apprends un nouveau métier, à partager la scène avec quelqu’un sur un spectacle où il y a de la chanson, de la comédie, de la lecture, de la mise en scène… Daria a ébloui tout le monde et c’est super parce que c’était le but du jeu. Nous avons eu beaucoup de difficultés à faire comprendre qu’il s’agissait d’un projet à 50-50 et pas celui de Mathias Malzieu avec une chanteuse. Peut-être par machisme ou par fainéantise. Je ne l’aurais pas fait tout seul, c’est un vrai projet de duo, fait avec le cœur et par choix. »
Vous y chantez votre amour et les épreuves que vous avez traversées à deux. Y a-t-il quelque chose de cathartique dans l’écriture ?
M. M. « Oui, dans notre rapport au temps. On a d’abord commencé en réaction créative aux confinements. Puis il y a eu cette fausse couche pendant l’écriture de la chanson L’enfant fée. On a alors pris la décision de prendre le truc à bras-le-corps et d’en faire un acte résilient. C’est bien d’aller vers les joies et des choses lumineuses mais c’est aussi intéressant d’explorer des moments plus sombres, sans pathos, pour essayer d’en faire quelque chose de beau. Ça a été extrêmement positif pendant de nombreux mois, tant que nous étions dans notre bulle. Puis les répétitions sur scène ont fait ressurgir une souffrance. On a alors eu un doute, auquel s’est ajouté ce combat pour imposer Daria. On l’a vécu comme une forme d’injustice, le plus difficile pour moi. Mais aujourd’hui, on se rend compte que tout disparaît sur scène, que tout y apparaît transcendé. Nos deux premières dates à Valence ont été très fortes en émotion. »
Daria, comment avez-vous appréhendé l’exercice du chant sur scène, vous qui êtes d’abord artiste plasticienne et photographe ?
Daria Nelson : « J’y suis allée avec enthousiasme, Mathias m’a beaucoup encouragée. J’ai pris des cours de chant avec Sarah Sanders, la metteuse en scène, qui m’a aidée à positionner ma voix, à respirer correctement… Habituellement, mon travail est très solitaire. Ici, il a fallu œuvrer en équipe, se mettre tous d’accord, exprimer ses besoins… J’ai tout découvert. Je ne fais pas la « Claudette », c’est aussi mon histoire ! Je ne suis pas la seule femme à ressentir ce problème de légitimité dans le milieu artistique. Clara Luciani en a parlé dans une récente interview, où elle disait avoir longtemps travaillé pour en être là où elle est. Parfois, je baisse les bras, mais on a tellement voulu ce projet… Je me sens déjà épuisée. »
Envisagez-vous de donner une suite ensemble à cette symphonie ?
M. M. : « Artistiquement, on s’est régalé mais il faudra que l’on se laisse du temps. J’aimerais que Daria puisse faire son chemin, sans avoir à justifier sa place. Ce n’est pas ma muse, mais une artiste, avec une vision, un œil et une oreille qui étonnent tout le monde. J’ai appris des choses en tant qu’homme sur ce projet. On n’est pas là pour donner des leçons ou se plaindre, mais pour témoigner et remettre les pendules à l’heure. Avant, pour moi, de repartir l’an prochain avec Dionysos. »