Aujourd'hui
Si les métiers du soin ont bonne presse, les conditions de travail sont rejetées par nombre de candidats potentiels. La pénurie de soignants frappe tous les établissements qui innovent pour se montrer sous leur meilleur visage.
A la fin de l’automne, l’épidémie de bronchiolite a mis les urgences pédiatriques du CHU de Poitiers à rude épreuve. Cette situation particulière a révélé au grand jour un problème récurrent, que le Covid-19 avait déjà pointé. « Il y a une tension dans les effectifs depuis des années, assure le Dr Erwan Ripley, co-responsable du service. Les médecins des étages (ndlr, non urgentistes) prennent des gardes aux urgences. »
Un constat corroboré à
« l’étage » par le directeur du Pôle femme-mère-enfant du CHU, Alain Lamy : « Il faudrait deux ou trois pédiatres complémentaires pour assurer la ligne. Ce sont des postes vacants, ils existent mais il n’y a personne pour les occuper. »
Les besoins en main-d’œuvre dans le secteur de la santé sont partout. Les urgences de Loudun et de Montmorillon ont été ponctuellement fermées à plusieurs reprises ces derniers mois. Dans la Vienne, il manque une centaine d’ambulanciers, mais aussi des aides-soignants (lire ci-dessous, ndlr) et des infirmiers, dans le public et le privé, à l’hôpital et en Ehpad, dans les villes comme à la campagne. Même l’école de sages-femmes ne fait pas le plein. Les établissements tournent mais à flux tendu, ce qui n’arrange pas les conditions de travail des soignants. « Les plannings perturbés, parfois les rappels sur les vacances et le manque de temps en général, c’est un problème central », souligne Christian Trianneau. Le président de l’Ordre des infirmiers picto-charentais milite pour une meilleure reconnaissance financière et une nouvelle répartition des attributions avec les médecins. En outre, « beaucoup de jeunes professionnels ne veulent plus de CDI et vont voir ailleurs ».
Pour les employeurs, la fidélisation devient un véritable enjeu. Les méthodes de recrutement doivent évoluer. En octobre 2022, le CHU a organisé son premier forum emploi avec 150 postes à pourvoir dans tous les métiers (soignants, administratif, médico-technique, rééducation, logistique…). Deux cents personnes se sont présentées.
« On a fait connaissance de manière informelle, les cadres de service étaient présents pour expliquer la réalité de leur quotidien, des conférences ont abordé les évolutions de carrière, la formation », décrit Sophie Guerraz, directrice des ressources humaines du centre hospitalier, satisfaite du bilan de l’opération. L’hôpital fait sa
« promo » dans des endroits où on ne l’attend pas comme des galeries marchandes et met en avant la crèche ouverte de 6h à 22h avant la stabilité de l’emploi. « C’est une façon de montrer l’établissement sous un autre angle. » Si les protagonistes apprécient ce premier contact, une (longue) aventure peut démarrer.
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Les ASH renforcent leurs compétences
Depuis un peu plus d’un an, plusieurs établissements de formation ont créé des parcours de « Renforcement des compétences » pour les Agents de services hospitaliers (ASH) qui « font fonction » d’aides-soignants sans pour autant avoir été formés au préalable. Une situation loin d’être isolée depuis le Covid. « Ce module de 70 heures permet d’acquérir les connaissances de base en matière d’hygiène, de pudeur, d’ergonomie, de relations avec les patients et d’évaluation de leur niveau d’autonomie », explique Cyril Guillet, directeur du centre de formation Saint-Jacques-de-Compostelle à Poitiers qui a déjà organisé cinq sessions. De quoi les rassurer sur leurs pratiques. A la suite de ce parcours financé par leur employeur, les stagiaires peuvent s’arrêter là, ou décider de poursuivre vers un diplôme d’aide-soignant afin d’obtenir une reconnaissance morale et financière. Grâce à ce module, elles évitent la sélection sur dossier et entretien, que certaines redoutent.
Territoire
Les aides-soignants formés à Châtellerault
Depuis septembre dernier, la formation d’aide-soignant est également proposée sur le site hospitalier de Châtellerault. Le CHU de Poitiers a reçu l’accord et les fonds nécessaires à l’ouverture d’une antenne délocalisée de l’Institut de formation d’aide-soignants (Ifas). Une façon de développer le maillage territorial des formations sanitaires et sociales, d’attirer de nouveaux candidats qui ne pouvaient pas se déplacer jusqu’à Poitiers et de répondre aux besoins des employeurs du Nord-Vienne. L’Ifas accueille 130 élèves pour une formation de 44 semaines dont la moitié en stage. Le taux de réussite s’élève à 92% et l’insertion ne fait aucun doute.
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